8 février
(GIF) Russie : Bienvenue à Gazpromville

in Corriere della Sera*, Courrier International, n°849, 8 février 2007.

Novy Ourengoï est la capitale de l’extraction du gaz. Dans cette ville nouvelle située au cœur des gisements sib...[lire la suite]


18 janvier
(GIF) Casse-tête : Que faire du Kosovo ?

William Montgomery, Courrier International (web+), 18 janvier 2007.

S’exprimant dans les colonnes du jounal serbe Danas*, l’ex-ambassadeur américain dans les Balkans affirme que de t...[lire la suite]


Décembre 2006
(GIF) Chine : A Hong Kong, un morceau de patrimoine disparaît

in South China Morning Post*, Courrier International, n°842-843, 21 décembre 2006

Le ferry, qui pour beaucoup symbolisait Hong Kong, s’est arrêté. L’opinion s’en émeut et le gouver...[lire la suite]


EN ARCHIVES

(GIF) Russie : Bienvenue à Gazpromville

in Corriere della Sera*, Courrier International, n°849, 8 février 2007.

Novy Ourengoï est la capitale de l’extraction du gaz. Dans cette ville nouvelle située au cœur des gisements sibériens, le géant de l’énergie marque tout de son sceau… et veille au bien-être des habitants.

Au commencement, il n’y avait rien. Rien que la glace, le silence et la pâle lumière d’un soleil qui n’arrive pas à conquérir le ciel. Parce qu’en hiver, lorsque le vent burine les visages et que le thermomètre descend à – 60 °C, le jour ne dure pas plus de quatre heures. Aujourd’hui, la seule différence, ce sont ces flammes, tout au fond. Les torchères. C’est le premier signe qu’un trésor se cache sous ce rien. Le second signe arrive aussitôt après, quand une voix appelle à trinquer : “Za nas. Za vas !” A nous, à vous. Pause. Et puis : “Za gaz !” Au gaz. Bienvenue à Novy Ourengoï, Sibérie du Nord, à 2 500 km de Moscou et à 60 km du cercle polaire. Ici, il neige de la fin août aux premiers jours de juin. La verdure n’apparaît que l’été et, l’hiver, le reste de la Russie est appelé “la Grande Terre”, le Continent – comme on dit quand on vit sur une île. Il y a trente ans, cette ville n’existait pas. Puis la vie a soudain fleuri grâce aux gisements de gaz naturel, les plus riches du monde. Une région de 6 000 km2, qui, avec celle de Iamal, sa voisine, fournit 85 % du gaz russe et 20 % des réserves mondiales. Pas moins de 500 milliards de mètres cubes y sont extraits chaque année. Si ce matin vous avez allumé votre cuisinière pour faire le café, il est fort probable que votre gaz arrive de l’un des 2 500 puits qui ont été forés dans une cuirasse de pergélisol épaisse de 400 mètres et qui peuvent descendre jusqu’à 3 900 mètres de profondeur dans les zones formées de trois couches, qu’ici on appelle “gâteau Napoléon” [le nom russe du mille-feuille]. Novy Ourengoï est un excellent point d’observation pour qui veut comprendre comment Vladimir Poutine est en train d’essayer de reconstruire l’empire en s’appuyant sur trois piliers : les ressources qui jaillissent des veines de la Mère Russie, la fierté de son peuple et l’argent. Ici, les trois sont réunis depuis toujours – ou plutôt depuis les années 1970, époque où les premiers techniciens furent envoyés dans la région pour chercher du pétrole. On dit que le gaz a surgi par hasard. Des bateaux s’étaient trouvés piégés dans les glaces de la Lena, l’un des trois fleuves de la région. Les pétroliers qui étaient à bord ont commencé à faire des forages pour passer le temps. C’est du gaz qui est sorti. Bientôt sont apparus quelques baraques et des wagons, puis des cerveaux et des bras sont arrivés, en partie en provenance des camps de travail. On a construit la première rue de la ville, un alignement de maisons basses en bois, qui a été baptisé Optimist. Aujourd’hui, la rue principale s’appelle Leningradskaïa, “parce que beaucoup d’ouvriers sont venus de la capitale du Nord” – ceux que l’on appelle fièrement les “pionniers”. Novy Ourengoï est certes encore une ville fermée, pour des questions de sécurité : les Russes ne peuvent y entrer qu’avec un permis de l’administration. Mais elle grandit à toute vitesse. Aujourd’hui, elle compte 110 000 habitants. Les gros bâtiments carrés de style soviétique sont en train de céder le pas à des résidences élégantes. La circulation est dense, les autos sont neuves pour la plupart. Et on trouve de tout dans les supermarchés, les authentiques Ferrero Rocher comme leurs imitations chinoises. Mais la marque que l’on voit partout est russe : Gazprom. Le colosse – qui procure du travail à 350 000 personnes dans le monde et qui vaut 260 milliards de dollars en Bourse – s’appelle ici Ourengoïgazprom. Et il est omniprésent : on vole dans des avions Gazprom ; on regarde la chaîne télé de Gazprom ; on boit Gazprom, parce le G bleu ciel est imprimé sur les tasses du bar. On écoute même les Jazzprom, un groupe de cinq musiciens. Et, sur Internet, le logo de l’entreprise flotte dans la page d’accueil du site de l’équipe de volley. C’est beaucoup plus que du parrainage, et on le comprend en parlant avec le père Alexeï, 27 ans, le pope, qui nous raconte comment l’église de Saint-Séraphin a été reconstruite en quarante jours après l’incendie qui l’a détruite, en 1997, “grâce aux collectes des fidèles et à la contribution de Gazprom, qui a payé l’iconostase”. Ou en parcourant les couloirs de la maternité, petit bijou d’efficacité où 1 400 enfants naissent chaque année, lorsque la doctoresse Nelia Khorochina glisse : “Grâce à Gazprom, qui assure une grande partie de notre budget.” Nadejda Chagrova, directrice du centre culturel Gazodobytchik (une salle de concert de 600 places, un centre sportif, un théâtre pour enfants, des salles de cours et de conférence…), dit à peu près la même chose. “Gazprom ? (Sourire.) La compagnie continue à nous aider. Ça veut dire qu’elle a besoin de nous.” Ici, le gaz, c’est le bien-être. Dehors il fait – 30 °C. Il fait nuit et il neige. Et pourtant, les voitures circulent. Les gens aussi. Les magasins sont ouverts jusqu’à 23 heures. Les restaurants, les bars, les discothèques sont pleins. Bref, on a l’impression qu’on y vit bien. Certainement mieux qu’ailleurs en Russie. Car les salaires sont élevés. “Ils vont jusqu’à 1 500 dollars pour un ouvrier”, explique Alexandre Iliassov, vice-directeur pour le développement stratégique d’Ourengoïgazprom. Soit plus du triple du salaire russe moyen. A cela s’ajoutent les aides pour les vacances et pour le logement, l’assistance médicale et l’éducation des enfants. “Auparavant, les gens venaient ici travailler quatre ou cinq ans, ils mettaient de l’argent de côté pour leur datcha, et puis ils rentraient chez eux”, se souvient Alexandre Iliasov. Aujourd’hui, ils sont nombreux à rester. Edouard Brandman, recteur de la Yamal Oil & Gas University, l’université de l’énergie (1 200 étudiants), financée, bien sûr, par Gazprom, confirme : “Les gens qui ont vécu ici une dizaine d’années savent qu’il leur sera difficile d’aller ailleurs tout en gardant le même niveau de vie. Nous sommes proches des standards de Moscou.” Résultat : cette ville jeune, trente ans à peine, a une population jeune. “La Russie a un problème démographique, elle vieillit”, observe l’adjoint au maire. “Ici, nous avons une courbe des âges atypique : sur 112 000 habitants, 29 800 ont moins de 18 ans.” Les 38 crèches et les 20 collèges sont pleins. Maria appartient elle aussi à la nouvelle génération. Elle est née il y a tout juste cinq heures, à la maternité. Enveloppée dans des langes, comme c’est ici l’usage, elle dort. Rouslana, sa jeune mère, la regarde et sourit. “Comment je m’imagine son avenir ? Je voudrais qu’elle fasse des études d’économie, comme moi. Qu’elle soit heureuse. Et qu’elle vive ici.”

* Fondé en 1876, sérieux et sobre, le journal a su traverser les vicissitudes politiques en gardant son indépendance, mais sans se démarquer d’une ligne quelque peu progouvernementale. Le premier quotidien italien mentionne toujours “della sera” (du soir) dans son titre, alors qu’il sort le matin depuis plus d’un siècle. Dès sa naissance, le Corriere s’est affirmé comme le journal de référence italien et le porte-parole de la bourgeoisie industrielle du Nord. Son format, très grand pour un quotidien moderne, participe à cette image de sérieux et de tradition. La “vecchia signora” de Milan appartient au groupe RCS, qui édite également la fameuse Gazetta dello Sport et qui détient 45 % du capital du quotidien espagnol El Mundo. Tout comme son concurrent La Stampa, le Corriere est lié à la famille Agnelli, dont la holding Ifil contrôle 46 % de Holding di Partecipazioni Industriali, le propriétaire de RCS. Comme les autres quotidiens nationaux italiens, le Corriere est doté d’une multitude de suppléments, dont Io Donna, le féminin, et Corriere della Sera Magazine. Outre l’actualité et le numéro du jour, le site propose des chroniques tenues par certains journalistes, qui dialoguent ainsi avec les lecteurs, des rubriques spécifiques ou plus ludiques comme les Conseils pour bien dépenser ou le Corriere "pour les petits".