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La démocratie participative dans le XV° arrondissement de Paris – Quartier Dupleix / Motte-Picquet
Etude sur les formes françaises de la démocratie participative réalisée par un groupe d’étudiants de Master de l’IEP Paris
Date of the document : 05- 06
By BRENDEL Verena, CONFAVREUX Marine, OBLED Loïc, PFLIEGER Joachim, SEGOL Julien, VEYRENC Thomas
L’objet de cette étude consiste à explorer les formes émergentes de démocratie participative en France et à déterminer notamment s’il est possible de parler aujourd’hui d’une « démocratie participative à la française » , à côté des expériences qui ont pu être menées depuis quelques années dans des villes d’Amérique latine telles que Porto Alegre. Il s’agit ainsi d’aller à la rencontre des acteurs de cette nouvelle forme de participation citoyenne en interrogeant des personnes situées aux divers échelons de ces structures de démocratie participative.
Description de la structure.
A la suite de la loi Démocratie de Proximité votée en 2001, le 15ème arrondissement de Paris a été découpé en 10 quartiers. Les conseils de quartier du 15ème arrondissement ont donc été créés par la majorité municipale actuelle. Chaque quartier est doté d’un conseil animé par cinq adjoints auprès du Maire du 15ème arrondissement Monsieur R. Galy-Dejean. Un conseil de quartier est composé de 24 membres répartis en 4 collèges :
le collège des élus (4 personnes),
le collège des représentants d’associations du quartier (4 personnes)
le collège des particuliers (12 habitants du quartier)
le collège des personnalités importantes du quartier (4 personnes). Pour le Conseil Dupleix / Motte Picquet, ce sont le curé de la Paroisse Saint-Léon, le secrétaire général de la CAF Paris, le chargé de mission EDF/GDF Services, le directeur des services Techniques des Journaux officiels
Le conseil de quartier se tient au moins deux fois par an. A l’issue de chaque réunion, le conseil émet des vœux et des avis qui sont soumis à un vote. Le vote se fait à main levée et les avis sont transmis au conseil d’arrondissement. En théorie, l’ordre du jour de chaque réunion de conseil de quartier est fixé par le conseil de quartier précédent.
Lors des conseils de quartier, la discussion est pilotée par les élus et en particulier par l’adjointe au maire du 15ème arrondissement. Celle-ci fait une présentation générale du déroulement de la séance, présente les intervenants. Parmi ces intervenants, au cas par cas des experts et des techniciens sont invités à répondre aux questions des habitants présents au conseil, à expliquer leurs missions et leurs projets. [voir cas …]
De l’avis général, le défaut majeur des conseils de quartier se situe au niveau de la communication et de l’information : seuls des procès verbaux accessibles sur le site Internet de la Mairie rendent compte du déroulement de chaque réunion. D’autre part, les habitants sont mal informés de la tenue et des lieux de réunions. Il n’existe pas en effet de panneaux d’affichage ni de relais d’information efficaces.
Quant au budget, il se compose d’une partie consacrée aux investissements décidés par le conseil (budget d’investissement de 8264 euros) et d’une partie destinée aux frais de fonctionnement (budget de fonctionnement de 5 000 euros). Ce budget est alloué par la mairie de Paris.
Perceptions de la structure.
Dans le 15ème arrondissement, nous avons choisi de confronter les points de vue de deux personnes très impliquées dans les questions de démocratie participative. L’une, Madame G. Poirault-Gauvin est une élue UMP adjointe au maire d’arrondissement en charge de la démocratie participative. L’autre, Madame C. Chalom, est membre du collège des particuliers (tirée au sort) du conseil « Dupleix - Motte Piquet » , adhérente au PS et engagée dans un groupe de réflexion (DLP15, Démocratie Locale et Participative du 15ème arrondissement).
Leur objectif commun est de promouvoir la démocratie participative mais leurs approches sont divergentes. Pour Madame Poirault-Gauvin, il s’agit de prendre acte des doléances et des reproches que peut adresser la population (ou du moins les personnes présentes lors des réunions) et d’en prendre le pouls. Il est important selon elle de s’assurer de la crédibilité des actions engagées par la mairie d’arrondissement. En définitive, l’objectif majeur des conseils de quartier est d’informer – et de former – les citoyens et, réciproquement, de permettre aux élus de répondre le mieux possible aux attentes des habitants. Le conseil de quartier, réponse à la crise de légitimité de la démocratie représentative, doit donc être un véritable relais entre les deux sphères politiques. Madame Chalom s’exprime, pour sa part, selon ses convictions personnelles (« l’amélioration du quotidien est l’autre visage de la politique » ). Elle s’oppose radicalement à la logique suivie par la mairie du 15ème, considérant que les conseils de quartiers se détournent de leurs objectifs initiaux, à savoir la participation effective des habitants à la vie de la cité.
Leurs conceptions de l’organisation du conseil de quartier et du déroulement des réunions divergent également. Madame Poirault-Gauvin juge inenvisageable de laisser l’initiative totale au citoyen. L’élu doit avoir un rôle de « pilotage, de recadrage et de catalyseur » lors des discussions. En effet, il faut que les conseils soient présidés afin d’être efficaces. Pour Madame Chalom, cette orientation des débats est un détournement politique. Elle en veut pour preuve le temps de parole des élus lors des réunions de conseil de quartier. Elle souhaiterait remettre en cause « la charte de fonctionnement » des conseils de manière à laisser plus de liberté et d’autonomie au conseil et à responsabiliser ses membres. Elles sont toutes deux d’accord pour dire que les membres des conseils ne préparent pas les réunions.
Les deux personnes interrogées évaluent de façon contrastée les forces et les faiblesses de la structure mise en place. Toutefois une convergence essentielle est à noter : l’information reste un problème récurrent dans leurs discours respectifs. Pour Madame Poirault-Gauvin, les points positifs sont les suivants : le peu de politisation de la discussion (le conseil n’est pas un lieu de cristallisation de l’opposition), la proximité de l’élu et du citoyen, la vertu pédagogique de ces réunions (présence des techniciens et discours des élus). Pour Madame Chalom, la structure a le mérite d’exister, mais les thèmes sont largement choisis par la municipalité, la parole des citoyens est confisquée au profit des élus qui se livrent à une surenchère et à une critique systématique de la mairie de Paris (PS).
Mesdames Poirault-Gauvin et Chalom proposent chacune des perspectives d’avenir bien différentes : Madame Chalom, en tant que membre d’un groupe de réflexion sur la question (DLP 15), considère que les conseils de quartier doivent jouer un rôle moteur et autonome dans l’élaboration des politiques locales et des projets de quartier. DLP 15 propose entre autres d’utiliser une partie du budget de fonctionnement pour promouvoir l’information : à titre d’exemples, les gardiens d’immeubles pourraient être chargés d’informer les habitants sur le calendrier des réunions. DLP 15 propose également que les réunions soient « délocalisées » : au lieu de se retrouver toujours dans la même école, il serait possible de mettre en valeur les lieux publics des quartier comme les salles de spectacles. L’idée principale de Madame Chalom comme des autres membres de DLP 15 est de donner un sens plein à la participation des habitants. L’idée de Madame Poirault-Gauvin est en revanche que le conseil a vocation à rester une sorte de lien privilégié entre les élus et les citoyens. Pour ce faire, il faut impérativement développer la communication sur le sujet et toucher au maximum l’ensemble de la population. Selon elle, les citoyens sont enthousiastes et demandeurs. Cependant, il faut prendre garde à ce que les compétences du conseil de quartier n’empiètent pas sur les prérogatives des élus. Il ne doit pas y avoir de concurrence entre les démocraties représentative et participative mais bien une réelle complémentarité. En effet, le conseil de quartier n’étant pas issu des élections, les légitimités des deux formes de démocratie ne s’opposent pas et c’est l’élu qui doit absolument garder le monopole de la décision en dernière instance.
Les conseils de quartier donnent naissance à des projets : mais là encore les points de vue des deux personnes interrogées divergent sensiblement. Un mur a été peint par les artistes sur proposition d’un conseil de quartier : pour Madame Poirault-Gauvin, il s’agit là d’un exemple de réussite de la démocratie participative car les habitants ont été sollicités pour un projet qui concernaient leur vie au quotidien. Toutefois, pour Madame Chalom et d’autres membres de DLP 15 interrogés, l’adjointe au maire a choisi les artistes, puis a mis le conseil de quartier devant le fait accompli : aussi cet projet n’a-t-il rien de participatif. Madame Chalom et les membres de DLP 15 rencontrés préfèrent citer un autre exmple de projet participatif réussi qui est tout à l’honneur du conseil de quartier Brassens (autre quartier du 15ème) : un stationnement gênant de motards a conduit les membres d’un conseil de quartier à formuler, en concertation avec les motards concernés, un projet de parking deux roues. Les motards ont donc été mis au courant et ont posé certaines exigences comme l’existence d’un toit pour protéger les motos. Ce projet a été réalisé à partir du budget d’investissement du quartier en question. Il s’agit selon les membres de DLP 15 de la mise en œuvre d’un budget participatif direct.
Analyse de la structure.
A partir des interviews et de l’observation d’une réunion de conseil de quartier, nous dégageons trois analyses sur le fonctionnement de la démocratie participative dans le 15ème arrondissement :
tout d’abord la forte politisation du conseil de quartier : par son pilotage, la mairie oriente politiquement la discussion. Cette orientation est justifiée selon Madame Poirault-Gauvin par le fait que les conseils de quartier doivent être le relais entre les citoyens et les élus. La mairie d’arrondissement du 15ème se sert des conseils de quartier pour sensibiliser les habitants aux compétences respectives de la mairie d’arrondissement et de la mairie de Paris, ce qui l’amène à prendre position contre les politiques menées par cette dernière. En l’occurrence, le conseil de quartier est une tribune potentielle pour légitimer les critiques adressées à la mairie de Paris.
En ce qui concerne les objectifs et les projets menés par les conseils de quartier, la distinction entre démocratie participative et la démocratie de proximité est-elle si claire? On constate que bien souvent les succès et les réalisations concrètes relèvent de la problématique locale (propreté, sécurité, infrastructures,…). Rares sont en effet les propositions de politique et d’intérêt général (projet de société, questions sociales,…) lors des réunions de conseil de quartier. Les habitants présents au conseil de quartier prennent de manière générale la parole en leur propre nom. Par exemple, certains habitants s’empressent, la réunion une fois terminée, d’aller trouver l’élue ou l’expert pour se plaindre de leurs problèmes particuliers (ayant trait aux nuisances sonores, à la sécurité,…).
Le déroulement et le fonctionnement des réunions de conseil de quartier nous amènent à identifier deux tendances :
L’exposé liminaire par les élus des projets municipaux, pour intéressants qu’ils soient, ne suscitent dans l’assemblée qu’un très faible intérêt, au grand dam des élus eux-mêmes. La conséquence en est que les habitants se saisissent du conseil de quartier comme d’un exutoire. En ce sens, la disposition des chaises lors des réunions (habitants face à la table des élus) ne permet pas un dialogue entre les citoyens mais oppose habitants et élus en un clivage symbolique.
Il y a un déséquilibre dans l’information et la préparation des réunions entre les élus, les membres du conseil de quartier et les habitants. L’élue prépare les réunions et arrive devant les habitants en connaissance de cause alors que les habitants comme les membres du conseil semblent dans l’ensemble très peu au fait des sujets et des projets.
Toutefois, les réunions de conseil de quartier semblent jouer un rôle important de responsabilisation des élus et des techniciens qui doivent rendre compte aux habitants de leurs initiatives et de leurs actions, stimulant ainsi leurs engagements. Il s’airait bien là d’une révolution des mentalités.
Notes :
Personnes interrogées :
Mademoiselle Géraldine Poireault-Gauvin, adjointe au maire du 15ème,
Les membres du Conseil de quartier Dupleix / Motte-Picquet le mercredi 1er juin 2005,
Un responsable technique de la Mairie de Paris,
Madame Catherine Chalom, membre du collège des particuliers du Conseil de Quartier Dupleix / Motte-Picquet, et membre de DLP 15 (Démocratie Locale et Participative du 15ème arrondissement).