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Interview
Entretien avec Marc GIACOMINI, Représentant permanent adjoint à la Mission française auprès de l’office des Nations unies à Genève
Date of the document : 17 avril 2005
By Corinna Jentzsch
Qu’est-ce que l’état de la gouvernance mondiale/qu’est-ce que la gouvernance mondiale ?
La gouvernance environnementale
En tant que membre du service international du ministère de l’environnement il avait été amené à la question de la gouvernance internationale en matière de l’environnement et d’une organisation internationale des Nations Unies de l’environnement, une idée lancée à la fois au niveau européen et international en 2000 et qui continue à être objet de discussion (PNUE – conclusion du forum mondiale de Cartaget/sommet de New York). En tant que France on a l’impression qu’il y a des trous dans la gouvernance mondiale. On avait identifié environnement, parce que c’est un des secteurs les moins structurés qui soient ; il y a un programme et un mécanisme de financement, le JEF qui est à Washington sous le trusteeship de la Banque mondiale.
Donc, on a un sujet éclaté avec un certains nombres d’inconvénients : un manque d’efficacité, la multiplicité des structures ayant un effet sur l’efficacité et le gaspillage fort et donc des dépenses plus importants en comparaison avec les résultats. Le deuxième point est la cohérence : comment traiter des problèmes qui sont liés entre eux, par exemple lors de la conférence de Rio, des conventions sur le changement du climat, on se rend compte que ces sujets sont liés. Pourtant, la manière dont ils fonctionnent fait pour les traiter de s’éloigner. Ce problème de cohérence est d’autant plus frappant quand on regarde en détail les secteurs, puisqu’on a plusieurs conventions pour des produits chimiques et pour la biodiversité. Donc, on a un vrai enjeu typique pour la gouvernance mondiale qui demande de visibilité, d’autorité politique, de cohérence et d’efficacité. Cela dit que le sujet est extrêmement vaste.
Dans ce sujet de la gouvernance d’environnement il y avait bien entendu aussi toute la question de la participation de différents acteurs, de la société civile. On s’est demandé s’il ne faudrait pas au niveau mondial des lignes directrices qui s’inspiraient de la convention d’Arusha, de la commission économique pour l’Europe des Nations Unies ; donc quelle place pour la société civile dans cette gouvernance, aussi bien au niveau national qu’international.
Il y a aussi toute cette question liée au capacity building, comment on permet aux Etats, notamment aux pays en développement, non seulement d’adopter des normes, mais aussi de les mettre en œuvre sur le terrain qui est souvent difficile pour des ministères d’environnement qui sont d’un taille très limité.
La gouvernance économique et sociale
On a un problème plus large d’une gouvernance au secteur économique et social. On a au niveau international toutes sortes d’organisations qui ont une crédibilité dans leur domaine (OMS, OIT etc.). Mais, autant leur pouvoir normatif reconnu autant ils n’ont pas toujours les moyens de la mise en œuvre (contributions monétaires, mais aussi des ressources de la Banque mondiale (bien supérieures)).
Dans ce domaine il y a la question au niveau du pilotage politique du rôle du Conseil économique et social (ECOSOC) des Nations Unies. Il faut vraiment regarder l’écart. Aujourd’hui, c’est vraiment une chambre d’enregistrement. Dès quand on a annoncé, l’idée était d’avoir un système à composition peu restreinte et qui sortirait du cadre des Nations Unies ; l’idée était d’avoir un équivalent du G8 pour les pays développés, mais de manière élargie aux pays du Sud pour qu’aussi que des catégories comme les pays les moins avancés soient représentés.
Pour le reste il y a toute la question sur le rôle de différents acteurs, d’une part des entreprises (Global Compact, l’initiative du secrétaire général, avec des entreprises qui financent d’ailleurs de plus en plus des projets des Nations unies), d’autre part la société civile, des ONG ayant un statut d’accréditation auprès de l’ECOSOC. Mais ici il y a le problème que tous n’ont pas la même qualité.
On a aussi des expériences intéressantes, un nombre de structures où des ONG sont vraiment parties prenantes : on pourrait penser au sujet du développement durable, à certains égards à la commission des droits de l’homme où les ONG ont un droit de parole, et la discussion sur la société d’information. Mais pour l’instant on a plus agit de manière ponctuelle que, pour avoir une réflexion mondiale, se poser la question de manière plus large. On a plutôt agit dans des secteurs où les ONG ont par nature un intérêt particulier qu’on a réfléchit comment associer la société civile de manière générale à l’ensemble des activités du système international. Même dans des institutions comme la Banque mondiale il y a une montée de collaboration avec des ONG par les faire participer aux programmes.
Pour l’amélioration de la gouvernance mondiale, faut-il impliquer plutôt des représentants de la société civile ?
C’est un élément d’un dialogue positif. En même temps, il y a tout ce débat sur les « gongos » , les ONG gouvernementales, donc parmi des ONG il y a des meilleures et de moins bonnes, et des plus indépendants et des moins indépendants.
Concernant le sujet de la paix et de la sécurité, ça devra un vrai débat sur la constitution d’une commission de la consolidation de la paix, proposée par le High level panel et le secrétaire général. Il y a une évolution récente intéressante au niveau de la paix et la sécurité, notamment un accent plus fort au niveau des droits de l’homme et de situations de post-conflit où on a la voix des acteurs non gouvernementaux.
Pour une réforme de la gouvernance mondiale, faut-il commencer par le bas ou par le haut ?
Je ne pense pas qu’une réforme puisse être faite entièrement de l’extérieur. L’un n’exclut pas l’autre. Une structure qui est fonctionnelle et capable de se réformer est une structure qui est capable de se réformer sous la pression de l’extérieur, mais aussi par l’apprentissage de ses propres limites. Je crois que les deux sont valables et qu’on a tous gagné à faire la place aux acteurs d’extérieurs et en même temps il y a des raisons objectives et internes de faire un certain nombre de réformes. Il faut aussi améliorer des ONG, des ONG crédibles. On a déjà ouvert des portes pour des ONG au sein du système des Nations unies, où il peut fonctionner surtout de manière interactive, parce que le statut est une chose, l’interactivité du débat est une autre. Mais en tout, c’est un élément, mais il y a aussi d’autres éléments.
Quels sont ces d’autres éléments ?
La représentativité, la cohérence du système, la capacité de réagir aux urgences et aux crises, la persistance, l’efficacité.
Quels sont les obstacles à ce processus ?
Il y a certains obstacles qui restent attachés au caractère intergouvernemental du processus. Il faut admettre que ce processus n’est pas incompatible avec le caractère intergouvernemental, que c’est un complément, un ajout et un supplément et un atout pour les Nations unies d’avoir cette contribution. Deuxièmement, il reste la question qui se pose implicitement : comment faire pour que cette participation soit incontestablement positive. Est-ce qu’on est sûr que le message qu’on obtient est véritablement utile et exploitable ? Dans un système où la parole est à chacun sur une base égalitaire, celui qui représente quelque chose quand il parle a plus de poids que celui qui ne représente que lui-même et son gouvernement (une ONG en réalité gouvernementale).
Est-ce que l’Union européenne peut être un modèle pour la gouvernance mondiale ?
C’est compliqué parce que d’un côté je pense que l’Union européenne peut être une espèce de modèle en terme de gestion des relations internationales, on a l’habitude de discuter entre nous, on a l’habitude d’un compromis, d’un certain mode de fonctionnement collégial. De l’autre côté, la manière dont on aborde les problème au sein de l’Union européenne et au sein des Nations unies est assez différente et sachons que la participation des ONG, de la société civile, des entreprises pour ces décisions de l’Union européenne, elle existe, mais elle ne prend pas les mêmes formes. C’est difficile de comparer l’ordre de la consultation régulière, du lobbying, de l’élaboration d’une législation sur une durée de plusieurs années et un débat à l’Assemblée générale ou à la Commission des droits de l’homme. On ne parle pas tout à fait de la même chose. Donc, l’Union européenne est probablement un modèle en ces sens d’un espace où la règle de droit commune est importante et qui partage un certain nombre de valeurs, notamment en matière des droits de l’homme, mais je ne pense pas qu’on puisse considérer que ce modèle est directement applicable.
Pascal Lamy parle d’une démocratie-monde – quel rôle voyez-vous pour la démocratie au niveau mondial ?
Pour moi, démocratie, ça veut dire vote populaire, normalement. Donc quand on parle de démocratie internationale, c’est une idée qui vient souvent. Cette idée, un Etat a une voix et chacun a le même poids. Je pense que M. Lamy a dans l’esprit l’OMC avec son évolution récente, un système qui fonctionnait sur la base Etats unies/Union européenne qui se mettaient d’accord et les autres se mettaient d’accord après, et qui est en train de changer. Donc, il y a une démocratisation, pas au sens mythologique du terme, mais au sens qu’il y a plus d’acteurs qui peuvent faire entendre leur voix. Mais, ce n’est pas le même type de démocratie que la démocratie au sens parlementaire, au sens suffrage universel. C’est un terme un peu particulier. Il ne faut pas pousser trop loin la comparaison de la démocratie qu’on a au sein de nos Etats ou même au sein de l’Union européenne, puisqu’on a des élections parlementaires, on a un système qui n’est pas tout à fait comparable au système national mais qui a quand même un certain nombre de ses caractéristiques. Donc, de ce point de vue-là, l’Europe est vraiment un modèle hybride, on n’est plus en international et on n’est pas tout à fait en interne.
Qu’est-ce que vous pensez du projet de Kofi Annan sur la réforme de l’ONU ? Est-ce que c’est un pas en avant pour la réforme de la gouvernance mondiale ?
On est tout à fait favorable. Ce ne veut pas dire qu’on est d’accord avec chacune des propositions très individuellement, mais dans l’ensemble on pense que c’est un très bon projet qui a fait cohérence. On pense que le sommet de cet an doit être l’occasion d’avancer et de régler enfin des problèmes qui traînent depuis des années comme l’élargissement du Conseil de sécurité.
Quel est le rôle pour les institutions de Bretton Woods dans la réforme de la gouvernance ?
L’idée est de travailler de plus en plus ensemble avec elles. Il y a eu des progrès et on espère que ce pourra se poursuivre. On est souvent comme au sein des Nations unies à la question de la cohérence des Etats eux-mêmes – ce qu’ils disent au sein de la banque mondiale sera cohérent à ce qu’ils disent au sein des Nations unies. C’est en ce sens que nous, on s’est toujours voulu défenseur des Nations unies et du secrétariat parce qu’on assume la responsabilité collective. L’ONU a ses limites bien sûr, mais ces problème sont d’abord des problèmes de gouvernance, institutions et décisions qui sont clairement interétatiques, donc ce sont bien les Etats qui prennent position collectivement et ces décisions ne sont pas toujours efficaces, c’est probablement lié aux contradictions même de la société internationale.
Est-ce qu’on peut parler d’une perspective française sur la gouvernance mondiale ?
Il y a une sensibilité européenne commune et il y a certains de ces idées qu’on a surtout en France. Il y a une sensibilité européenne commune pour dire que sur les objectifs du millénaire on doit avancer, sur la gouvernance du système économique et social des Nations unies on doit avancer. Après, il y a le comment. Sur une organisation des Nations unies pour l’environnement on a été très fortement soutenu par l’Allemagne et l’Italie et on a eu des pays un peu plus prudents, comme le Royaume Uni. Donc, c’était une idée au départ de la France (et de l’Allemagne), mais il y a une certaine solidarité communautaire pour dire que dans le même environnement on va faire mieux. Après, les résultats précis restent à savoir. De même il y a une sensibilité européenne réelle sur les thèmes de régulation (OMC, questions sociales/environnementales). Les Américains d’un côté, les pays en voie de développement d’un autre étant plus prudents. Les Américains ont un certain scepticisme vis-à-vis de l’organisation internationales ou pour des raisons plus spécifiques (sur le plan environnemental). Pour les pays en voie de développement, il y a une crainte qu’en réalité ils vont perdre leurs avantages comparatifs. Sous le terme de gouvernance on veut se protéger de certaines formes de la concurrence internationale. Ce débat montre qu’il y a une sensibilité européenne envers de cette sorte d’organisation internationale qu’on ne voit pas chez nos partenaires.
Qui est important en France quant au sujet de la gouvernance mondiale ?
Laurence Tubiana, Jean-Michel Severino, Monique Barbut (PNUE), Daniel Cohn-Bendit, Marie-Helène Aubert (Assemblée nationale), Pierre Landau (rapport Landau)
Michel Camdessus, Jannick Jadot (Greenpeace), Entreprise : novethic
Représentant de la mission française permanente à l’ONU à Genève, Marc Giacomini était à la tête du département de relations internationales du ministère de l’environnement.