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La démocratie participative dans le XV° arrondissement de Paris - Synthèse d’intervention d’un responsable technique.

Etude sur les formes françaises de la démocratie participative réalisée par un groupe d’étudiants de Master de l’IEP de Paris

By BRENDEL Verena, CONFAVREUX Marine, OBLED Loïc, PFLIEGER Joachim, SEGOL Julien, VEYRENC Thomas

L’objet de cette étude consiste à explorer les formes émergentes de démocratie participative en France et à déterminer notamment s’il est possible de parler aujourd’hui d’une « démocratie participative à la française » , à côté des expériences qui ont pu être menées depuis quelques années dans des villes d’Amérique latine telles que Porto Alegre. Il s’agit ainsi d’aller à la rencontre des acteurs de cette nouvelle forme de participation citoyenne en interrogeant des personnes situées aux divers échelons de ces structures de démocratie participative.

Aussi loin que puisse être poussée l’étude de la démocratie participative à partir d’interviews d’élus ou de citoyens personnellement engagés, il nous a semblé qu’une analyse à prétention scientifique ne pouvait faire l’impasse sur l’opinion de personnes étrangères aux conseils de quartier. Nous avons donc jugé indispensable de nous intéresser à un cas bien particulier. Il s’agit d’une personne rencontrée lors d’un conseil de quartier du 15ème arrondissement. Invitée en tant qu’expert, cette personne a bien voulu nous répondre en soulignant que ses réponses seraient différentes selon la « casquette » qu’il revêtirait. Cette attitude est particulièrement intéressante puisque, d’emblée, monsieur Giorgini nous a fait savoir que ses avis seraient parfois contradictoires selon qu’il s’exprimerait en tant qu’expert ou en tant que simple citoyen.

Compte rendu de l’entretien

Michel Giogini travaille à la direction pour la prévention et la protection à la mairie de Paris. Il est contrôleur de sécurité et « référent technique » des septième et quinzième arrondissements. Son rôle est donc d’être l’interlocuteur privilégié – une sorte de médiateur – entre les arrondissements et les services de la mairie de Paris pour les questions de sécurité (biens et personnes) et autres. Il est en quelques sortes au centre d’un réseau d’information comprenant la société civile et les services publics (commissariat…).

Monsieur Giogini, par sa fonction, est amené à connaître de façon détaillée le fonctionnement d’un arrondissement et – a fortiori – d’un quartier. Cette expérience pratique nous est donc d’une aide précieuse pour étudier la démocratie participative.

En tant qu’expert, Monsieur Giogini n’a pas l’obligation de participer aux conseils de quartier. Il accepte cependant volontiers les invitations de Madame Poirault-Gauvin parce qu’il est important – et même indispensable – pour lui de « s’informer à la base » . Il ne suffit pas selon lui de rencontrer les élus mais il faut impérativement écouter les citoyens et faire « remonter leurs attentes » .

Se déclarant « athée et apolitique » , Monsieur Giogini veut nous transmettre une critique « constructive » de la démocratie participative. Celle-ci, a priori, est une bonne chose. Son application dans le 15ème arrondissement est assez récente, mais c’est un bon début qui a « de l’avenir » car la démocratie française est « à reconstruire » . Pour être effective, la démocratie participative doit « avoir une référence pratique » . Il faut donc selon lui que l’arrondissement soit représenté par un collège de riverains. Celui-ci devrait bénéficier lors des votes du conseil de quartier d’une pondération avantageuse des votes. En effet, l’essentiel est de les laisser exprimer leurs besoins car ils ont « la pratique quotidienne du lieu » . Pour ce faire, il faut « rendre compétents » les citoyens en mettant l’accent sur l’information (et éventuellement la formation), l’essentiel étant d’Ĺ“uvrer pour une plus grande participation. Cette information est une base à partir de laquelle pourront ensuite s’accroître les compétences du conseil de quartier. Ainsi, l’avenir des conseils de quartiers ne passe-t-il pas par un modèle importé et imposé mais bien par une « construction pragmatique basée sur les besoins des administrés » .

En ce qui concerne les conseils de quartiers auxquels il assiste, Monsieur Giogini considère qu’ils doivent encore évoluer dans leur forme pour être vraiment efficaces. A l’heure actuelle, tout est joué d’avance : les conseils de quartier n’ont un rôle que consultatif et les participants – en particulier les habitants – ne les considèrent pas encore comme un outils susceptible de peser sur les politiques locales et surtout générales. Pour l’instant, le conseil est alors trop souvent un exutoire pour la population. Cette fonction du conseil de quartier, si elle est limitée et pas assez ambitieuse est néanmoins utile pour un expert comme lui : l’invitation par Madame Poirault-Gauvin d’experts issus des services de la mairie de Paris leur permet de connaître les revendications des citoyens et de mettre en oeuvre, à leur niveau, des actions pour y répondre. A ce titre, Monsieur Giogini souligne que les riverains attendent toujours que l’on règle leurs problèmes personnels. Ainsi, « ce ne sont pas les élus qui vous bloquent » , mais bel et bien les habitants. Il en veut pour preuve le fait que, lors d’un conseil de quartier auquel nous avons assisté, personne n’a écouté l’exposé pourtant intéressant de l’adjointe au maire du 15ème arrondissement déléguée à la culture. « Les gens ne veulent que de la proximité » . Or cela pose problème puisque, selon lui, le conseil est assez peu représentatif de l’ensembles de la population. Il y a « peu de participants et beaucoup de mécontents » . Il faut donc, pour y remédier, que le conseil soit mieux préparé par les habitants eux-mêmes afin d’éviter les dérives et les discussions ne portant que sur les « crottes de chien » . A défaut, le conseil ne pourra jamais adopter une politique cohérente et la proposer aux élus. Le cas des commerçants est un contre-exemple : grâce à leur union, ceux-ci sont efficaces. Ils se font entendre car leur discours est constructif.

Néanmoins, dans leur forme actuelle, les conseils restent utiles et prometteurs puisqu’ils permettent à Monsieur Giogini d’être plus efficace dans son métier. Il lui est plus facile d’informer les citoyens sur les compétences des divers organismes publics et de rendre compte des actions de la mairie de Paris – son employeur. Pour lui, l’une des choses les plus importantes réside dans le « retour » qui est fait. Le fait d’être régulièrement invité par Madame Poirault-Gauvin lui permet de faire le point sur les actions entreprises depuis le dernier conseil de quartier. De même, il est à mettre au crédit des élus de revenir sur l’avancée des choses et sur les actions initiées par les réunions précédentes du conseil de quartier.

Pour l’avenir, Monsieur Giogini émet plusieurs propositions. A titre d’exemple :

  • La possibilité pour le conseil de quartier d’organiser des référendums locaux

  • La naissance de maisons de quartier (avec diverses fonctions dont l’information)

  • La saisie par le conseil de quartier de questions plus « politiques » telles que la lutte contre le chômage. Le conseil pourrait par exemple prendre l’initiative de diffuser les concours publics ou les offres d’emploi de l’arrondissement…

  • Une publication propre au conseil de quartier qui rende des comptes à tous les citoyens pour « redistribuer la connaissance »

Quand à son engagement personnel, en tant que citoyen, Monsieur Giogini le juge peu probable jusque sa retraite et/ou son éventuel déménagement car il ne pourrait se départir de son rôle d’expert. Il préfère donc s’en tenir à ce rôle pour l’instant.

Un nouveau prisme pour analyser les conseils de quartier du 15ème arrondissement

Cet entretien contribue à pousser un peu plus la réflexion sur la pratique de la démocratie participative dans le 15ème arrondissement.

Il faut d’abord souligner le fait que les conseils de quartiers permettent à Monsieur Giogini d’améliorer l’efficacité de sa fonction. Le conseil est un lieu ou s’accumulent – parfois sans cohérence – les doléances de la partie de la population présente lors des réunions. C’est ce que vient chercher Monsieur Giogini mais ce n’est pas forcement l’esprit de la démocratie participative. Cela bride en effet les espoirs placés dans les conseils de quartier car ils ne deviennent pas le lieu où s’élaborent des politiques cohérentes, pertinentes et viables. En d’autre termes, il ne s’agit pas encore de « démocratie participative » en acte.

Les conseils de quartier du 15ème arrondissement semblent toutefois être un bon départ. L’encadrement par les élus est, au moins dans un premier temps, une bonne chose car ce sont eux qui (pour l’instant) ont une connaissance préalable des dossiers. Ils sont ainsi susceptibles d’assurer une cohérence lors des réunions. A l’avenir, cet encadrement devrait peut-être évoluer de manière à laisser plus d’autonomie au conseil. Pour ce faire, il faut impérativement faire des efforts de communication et d’information auprès des citoyens. D’autre part, il semble que de réelles ambitions pour la démocratie participative doivent inexorablement passer par une incitation des citoyens à participer car ils ne font pas l’effort d’eux-mêmes.

Par ailleurs, les entretiens, l’analyse et l’observation des conseils de quartier montrent bien la spécificité de Paris (et de Lyon et Marseille) dans les formes de démocratie participative à la française. Le découpage en arrondissement pose de gros problèmes aux habitants. Lors des conseils, les élus et les experts doivent passer beaucoup de temps à expliquer de qui relève telle ou telle compétence, ce qui empêche parfois les discussions d’être constructives.

Enfin, il est souvent à déplorer – mais peut-être est-ce là finalement le destin des conseils de quartier dans leur forme actuelle – que bien peu d’interventions des habitants prennent la parole au nom de l’intérêt général. L’hypothèse d’un budget participatif ferait peut-être évoluer les choses…

 

Date of the document : 05- 06

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