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Comment inclure la société civile dans le processus de gouvernance ?

Son rôle et ses limites

Fecha de redacción de la ficha : 28-05-05

Par Maria Gonzalez Solis

La notion de société civile est l’objet de différents niveaux de débats : problèmes de définition d’un concept flou et composite ; problèmes de représentativité d’acteurs de nature plus ou moins bien identifiée ; problèmes de champ d’action d’une nébuleuse encore aujourd’hui confinée au "social". Au-delà, l’intégration de cette société civile au processus de gouvernance mondiale impose d’inventer de nouvelles procédures, voire de nouvelles institutions. Quels modes de régulation entre Etats, acteurs économiques et citoyens à l’échelle mondiale : la "démocratie mondiale" est-elle possible ?

Les termes du débat

Le rôle de la société civile dans le processus de gouvernance est un large sujet de débat. Confronter les « degrés de scepticisme » et « d’optimisme » permet d’illustrer ses différentes facettes et problématiques.

On peut d’emblée discerner deux niveaux de discussions entre ceux qui acceptent l’existence d’une société civile et débattent des meilleures conditions de son intégration d’une part, et ceux pour qui le concept même (en particulier son caractère universel) reste problématique.

Remarquons ensuite qu’actuellement, le dialogue entre la société civile internationale et les institutions reste limité. Il suscite débat et réticences. Comme le souligne Marc Giacomini, il existe cependant des expériences intéressantes, par exemple le rôle actif que jouent les ONG dans de nombreuses structures. C’est le cas dans le champ du développement durable, sur le thème de la société d’information, ou encore à la commission des droits de l’homme (les ONG y ont un droit de parole). Même dans des institutions comme la Banque mondiale la collaboration avec des ONG s’intensifie.

Ces expériences d’intégration interviennent dans des secteurs où les ONG ont, par nature, un intérêt particulier (humanitaire, écologique…) ; elles ne débouchent pas sur l’intégration de la société civile de manière générale à l’ensemble des activités du système international.

Inclure la société civile : un impératif ou une utopie ?

Un besoin incontournable.

Selon Bertrand Badie, la gouvernance mondiale est, fondamentalement, un appel aux dynamiques sociales : elle ne peut se réaliser que par l’intégration de la société civile. Il souligne que même le processus apparemment le moins social (la coordination entre les gouvernements souverains formant le G8), a provoqué des dynamiques sociales (manifestations et revendications des ONG sur les lieux de réunion du G8).

Un problème de définition qui rend ce concept dangereux

Selon M. de Bernard « LA société civile » est un concept flou dont il faut se méfier : le terme est trop spécifique et son ambition pas assez globale. Il pose aussi problème à Thierry Brugvin qui souligne son caractère composite : l’idée de société civile comprend tellement de sous-groupes que son usage entraîne des confusions inévitables, et même souvent volontaires. Un gouvernement peut dire agir au nom de la société civile alors qu’il n’agit que en vue d’un petit groupe d’intérêts économiques privés, voire de ses propres intérêts. Les dirigeants libéraux peuvent l’utiliser avec une orientation partisane masquée à l’opinion publique. De plus, la société civile englobe souvent des acteurs mixtes, ce qui pose un problème de pondération dans la prise en compte de leurs intérêts. Quel rôle accorder à des associations ou ONG qui, financées par les pouvoirs publics, deviennent en fait des organismes parapublics ?

Critiques et atouts de la société civile. Valoriser les atouts de la société civile

Selon Joly, les acteurs non gouvernementaux ont un rôle de plus en plus important à jouer. Les organisations de la société civile, et en premier lieu les ONGs, les organisations de pression et de plaidoyer, peuvent porter la voix des opinions publiques, qui n’ont généralement pas accès à la décision internationale. Les différentes étapes des conférences internationales de ce début de siècle montrent les progrès en ce sens. Les ONGs sont davantage intégrées aux négociations, notamment dans le domaine de développement. C’est le cas par exemple au sommet des Nations unies de septembre 2005 sur les objectifs du millénaire.

Une action qui manque d’ampleur pour avoir un effet en terme de gouvernance

La position critique relative de M. de Bernard fait bien le lien entre les partisans d’une intégration immédiate et totale et ceux qui montrent de fortes réticences. Selon lui, le « non gouvernemental » a certes des vertus collectives, mais il n’est pas suffisamment organisé. Les tentatives des forums sociaux mondiaux ne dépassent pas leur périmètre initial, à savoir un axe uniquement social (par opposition au forum économique mondial). Or l’action en matière de gouvernance appelle une vision plus large.

Défis de représentativité et légitimité

Selon R. D’Orfeuil, il faudrait pouvoir définir qui parle, de qui et au nom de qui, être en mesure d’identifier des porte-parole et des positions. Il s’agit de créer un mouvement fédérateur partant du droit des associations qui résolve le problème de la représentativité.

Marc Giacomini insiste aussi sur la prudence à adopter face à la nature des ONG. C’est le débat autour des « gongos » , c’est-à-dire des ONG gouvernementales (les ONG sont plus ou moins efficaces ou indépendantes).

Enfin, pour Christian Joly la vraie question est aujourd’hui celle du mécanisme procédural à adopter pour inclure la société civile dans la formulation des politiques au niveau mondial (avec un souci croissant de représentativité de ces organisations). La plus grande critique envers ces organisations est en effet qu’elles ne représentent qu’elles-mêmes (quel que soit leur domaine d’intervention).

Des mécanismes d’organisation du pouvoir plus complexes restent à inventer, au sein desquels les organisations de la société civile ont un rôle à jouer, sans prétendre représenter les peuples. Reste donc à voir quelles sont les propositions concrètes de réforme pour réussir cette participation…

Comment inclure la société civile transnationale et améliorer son rôle ?

Des proposition concrètes

M de Bernard concède qu’il faut une place plus importante et plus formalisée pour la société civile. Faut-il pour autant créer une organisation de plus pour la représenter ? Comme le suggère Marc Giacomini, peut-être suffirait-il d’améliorer la crédibilité et la transparence des ONG ? L’enjeu est peut-être de trouver une logique à la société civile déjà existante traversée par des courants très différents ? Selon Brugvin, cela passe par une régulation conjointe des citoyens. L’intégration de la société civile appelle aussi la reconnaissance de ses acteurs, en particulier de la nature de leur statut public ou privé (sachant que la distinction est floue et qu’ils se situent plutôt dans un continuum public-privé).

La majorité des mouvements sociaux s’oppose à « la gouvernance des libéraux » (une régulation de la politique internationale dominée pas les acteurs économiques). Brugvin propose donc une solution originale fondée sur une réflexion de Reynaud : une régulation conjointe qui fasse sa place à la participation citoyenne.

R. D’Orfeuil défend un position beaucoup plus radicale : pour lui, il devient impératif de mettre au point un mode de désignation de représentants qui pourraient siéger au niveau international, et qui pourraient rendre des comptes à une Assemblée mondiale. Le tout dans une perspective de rééquilibrage par rapport aux autres acteurs actuels, et pour interagir avec tous les gouvernements. Toutes les parties du monde seraient ainsi entendues, chacun doit avoir sa place. Chaque plate-forme doit représenter une place, une voix.

Mais peut-on vraiment croire à une démocratie mondiale ?

La démocratie mondiale : une utopie ?

L’expression de "démocratie" ou "gouvernement mondial" fait en effet sursauter plus d’une personne. Tel est le cas de M. Moreau Defarges, Mme Thérèse Gastaut de l’ONU ou Mme.Françoise Nicolas de l’IFRI.

Pour eux, l‘Etat reste et restera l’outil de base des relations internationales et n’acceptera jamais une telle perte de souveraineté. Et même si on l’envisage, cette hypothèse farfelue mènerait selon eux au chaos mondial, car il n’y a pas de moyens de régulation ni de financement mondiaux. Il faut remarquer que ce sont surtout les praticiens qui sont ‘allergiques’ à cette idée, contrairement à une bonne partie des académiciens (trop éloignés de la réalité ? ). En général cette frilosité va de paire avec un grand scepticisme vis-à-vis d’une éventuelle gouvernance mondiale. Il vaudrait mieux déjà savoir « instaurer des règles du jeu » entre Etats, organisations internationales (Nicolas) et ONG ou medias reconnues et renforcer leur engagement dans les institutions déjà existantes (ONU, OMC, FMI..) qui ne sont certes pas parfaites mais perfectibles.

Des efforts mutuels nécessaires entre mouvances contestataires et institutions libérales

Dans les notes de la fondation Jean Jaurès, Bianco et Severino insistent sur le besoin de réponses alternatives modérées qui n’excluent pas complètement la tendance incontournable de libéralisation des échanges. Ils affirment la nécessite de créer un nouveau contrat social mondial impulsé par une grande conférence internationale de l ‘ONU.

Comme l’écrit Pascal Lamy « le capitalisme de marché confirme à travers la mondialisation ses trois traits fondamentaux et indissociables : son efficience, son instabilité et sa nature inégalitaire. Nous avons besoin de son efficience, nous devons prévenir son instabilité et nous devons corriger son caractère inéquitable. »

Eddy Fougier insiste aussi sur le fait que la société civile se reconnaît de plus en plus dans le mouvement dit alter mondialiste, qui en fait est une « nébuleuse de mouvements contestataires » car celui-ci remplit le vide laissé par trois crises importantes : celle de la déroute de la gauche, celle du manque de représentativité des acteurs et syndicats traditionnels et enfin celle des angoisses liées à la mondialisation elle-même. La participation de la société civile doit donc se faire par le biais de ce mouvement durable qui veut « changer le monde sans prendre le pouvoir » .

On pourrait toutefois rétorquer à Eddy Fougier deux arguments. Le premier est de ne pas prendre en compte les mouvements contestataires marginaux et violents qui en fait excluent encore plus la société civile du processus de gouvernance. Le deuxième est qu’il n’évoque que rapidement « la capacité du capitalisme à intégrer ses différentes formes de critiques » et évoque une éventuelle intégration du mouvement contestataire « à terme » ce qui sauverait le capitalisme en le rendant culturellement et socialement acceptable. Mais cette intégration ne peut pas se faire toute seule et ne viendra probablement pas spontanément des acteurs de la mondialisation libérale, surtout si les mouvements contestataires ne font pas des efforts en ce sens.

 

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