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ficha de análisis
La ville et ses politiques d’intervention et de planification du marché.
Présentation de l’organisation de la mairie et de son système de gestion par rapport au marché Central de la ville de Thiès.
Fecha de redacción de la ficha : 06-07
Por Séverine Pain
Cette fiche est l’un des produits d’une enquête réalisée à Thiès (Sénégal) par une équipe d’étudiants, dirigée par le professeur Jacques Fisette, du DESS "Gestion urbaine dans les pays en développement" de l’Université de Montréal, et une équipe de l’Ecole Nationale d’Economie Appliquée de Dakar. Le sujet d’étude de cette équipe plurinationale est l’observation des conditions de la gouvernance locale et le jeu des acteurs publics et privés, autour du cas particulier de la gestion du Marché Central de Thiès.
Situation de la ville de Thiès.
Deuxième ville du Sénégal après Dakar par sa population, Thiès est un carrefour important pour le commerce et le transport où se croisent les axes d’un réseau routier et ferroviaire conséquent. C’est également un point de passage obligatoire dans le corridor entre Saint-Louis et Dakar, ainsi que de l’est du pays jusqu’au Mali.
La ville de Thiès est une Commune (de droit commun) depuis les textes sur la décentralisation de 1996. C’est une autorité locale, divisée en 24 arrondissements, ce qui lui permet de bénéficier d’un statut légal et d’une autonomie financière. Chaque arrondissement est administré par un sous-préfet qui représente le premier ministre et est délégué par le président de la République.
Lors de l’atelier de l’UdeM à Thiès, un de nos objectifs a été de prendre contact avec la Commune et d’étudier quelles étaient où avait été les grandes actions de la Commune pour mettre en place une gestion efficace du marché. Pour cela, nous avons préalablement dû estimer quelles étaient les ressources misent en jeu (capacité d’équipement, financière et technique) et entreprendre une évaluation et une réflexion sur les problèmes et les enjeux de gestion du marché et des services publics.
Suite aux analyses des personnes interrogées au fil de nos visites, notre constat a été le suivant : comme pour beaucoup de villes moyennes en développement, la mairie de Thiès rencontre un certain nombre d’obstacles qui la ralentissent dans sa quête de modernisation et de mise en place d’une bonne gouvernance. On note parmi ces obstacles, un niveau élevé de chômage, et de pauvreté urbaine, une très forte et rapide urbanisation qui ne laisse pas le temps à la Commune de s’ajuster, et un sous-équipement des nouveaux quartiers d’habitation. Plus généralement, un manque d’infrastructures de base est observé à travers la ville.
À travers nos discussions, nous avons aussi réalisé qu’il existait un certain nombre de dysfonctionnements au sein même des services de la Commune ce qui l’empêche d’être efficace dans la gestion de ses services publics, et en particulier dans la gestion du Marché Central. Les relevés et entretiens faits lors de notre mission préliminaire sur le terrain ont notamment fait apparaître un manque flagrant de consultation et d’implication de la population dans les affaires publiques ainsi qu’un manque évident de transparence de la gestion du pouvoir. Ces carences semblent être à l’origine d’une fragilité dans le processus de gouvernance locale, qui s’est matérialisé au fur et à mesure par des difficultés dans la gestion des différents services incluant des faiblesses d’organisation et de coordination, une gestion mal adaptée des ressources financières ainsi qu’un dysfonctionnement général des conditions nécessaires à un réseau urbain fonctionnel. Au niveau de la gestion du marché, notre équipe a noté des carences en communication sociale en général, des lacunes dans les partenariats et la résolution des conflits entre les différents acteurs de la Commune, ainsi que des difficultés de mobilisation des ressources.
Vers une gestion plus efficace.
Malgré ces lacunes perçues par la plupart des usagers, nous avons observé que la Commune de Thiès est mobilisée dans la mise en place d’un certain nombre d’actions pour gérer la ville et son Marché Central de manière plus effective. Parmi ses actions, elle a beaucoup investi pour favoriser la promotion de l’activité formelle au regard du développement grandissant du secteur informel. Ainsi, consciente de l’importance que le secteur informel a pris au niveau de l’économie locale, elle a stratégiquement mis en place des actions pour ‘officialiser’ le secteur informel et l’intégrer peu à peu dans le système du commerce local. Depuis quelques années en effet, la Commune a pris des initiatives au niveau des échanges commerciaux et des marchés pour essayer de stabiliser la situation de milliers de commerçants, mais également de générer des ressources plus régulières.
D’autres actions de la Commune en faveur d’une meilleure gestion de l’espace et des ressources comprennent l’informatisation et la mise en place d’un logiciel de ‘visualisation’ urbaine accessible à la majeure partie de la population. La Commune a ainsi engagé un processus de concertation entre les différents acteurs du territoire, pour un aménagement participatif et concerté de la ville et son environnement (projet IMAP). Cette démarche s’est concrétisée en 1999 par la création d’un cadre formel de collaboration et la mise en place d’un processus de gestion urbaine participative, entre les acteurs publics, la société civile et les villages et quartiers. Un arrêté préfectoral et un accord de collaboration institutionnalisent le partenariat entre la commune urbaine, la commune rurale voisine (Fandène), l’O.N.G. ENDA-Tiers-Monde et l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (Gaye 2001).
De même, au niveau de la gestion des marchés, la Commune de Thiès souhaite mettre en place un progiciel qui permettra de recenser tous les commerçants installés dans chaque marché, de suivre le paiement des redevances mensuelles, de répertorier le type de commerce, ainsi que les métiers informels installés dans chaque marché1.
Enfin, depuis 2001, la Commune a construit deux nouveaux marchés dans deux grands quartiers de la Ville : Thialy et HLM route de Mbour. La prise en compte de ces projets participe à la volonté de décentraliser les équipements marchands, qui sont dans leur grande majorité concentrés dans le centre-ville. La construction de ces deux marchés a nécessité la mobilisation d’une somme de 250.000.000 FCFA, obtenu grâce au contrat de ville signé avec l’Agence de Développement Municipal (ADM), organisme mis en place par l’État avec un financement de la Banque Mondiale. De 2003 à juillet 2005 le Marché Central a aussi vu sa modernisation pour un coût total de près d’un milliard de FCFA. Le Marché de Mbour est encore vide, en partie en raison de sa location loin du centre-ville.
Juste à côté du Marché Central, un nouveau bâtiment est en construction : le Centre Commercial Boulevard Charles de Gaulle. Il s’agit d’une tentative de la part de la Commune d’arrêter la croissance des activités informelles dans le domaine public. Ainsi, selon elle, « Implanté sur le site de l’ex-Inspection régionale du Travail, sur l’avenue Général De Gaulle, la création de ce centre commercial participe de la volonté d’une part, d’étendre et de moderniser le Marché Central, et d’autre part, de lutter contre l’occupation anarchique du domaine public par les cantines. En plus de l’impact positif sur l’emploi et l’environnement urbain, cet équipement permettra à la Commune d’améliorer ses recettes. Les travaux concernent la construction d’un immeuble R+1 comprenant des cantines, boutiques, un fast-food, un restaurant, une aire de débarquement, un espace administratif, et un local technique … » 2.
Pour la gestion publique, et la mise en place des actions de modernisation, la Commune dispose d’un budget annuel d’environ deux millions d’euros 3. L’essentiel des dépenses d’investissements est assuré par des bailleurs de fonds externes, comme des agences de coopération multilatérales, bilatérales ou décentralisées, et par l’État Central. D’un point de vue économique, « la région de Thiès dispose de potentialités sur le plan de la pêche et de l’industrie minière, mais aussi et surtout, d’atouts sur le plan horticole, arboricole et de l’élevage… » 4. Néanmoins, les deux sources majeures de financement de la Commune sont les fonds de dotation du gouvernement central qui interviennent dans le cadre de la décentralisation et les revenus générés par les marchés ( incluant le Marché Central) et la gare routière.
D’après la mairie, le fonds de dotation à la décentralisation de Dakar envers Thiès (fonds spéciaux mis à disposition des collectivités locales) varie et augmente depuis 1996 : en effet, depuis cette date, le fonds a fluctué entre 65 000 000 et 90 000 000 CFA. Cependant, Thiès se voit prélever les 18% de la TVA, somme importante qui part à Dakar et y reste. À cause de cela, le budget pour la collecte des ordures ménagères à Thiès est passé de 180 000 000 CFA avant la décentralisation à 18 000 000 CFA après le processus. D’après certains acteurs, la décentralisation a transféré des compétences que les communes en général n’étaient pas prêtes à gérer. Les collectivités locales doivent maintenant travailler pour une approche participative. Mais le problème surtout est le manque de fonds : comme dans beaucoup de pays d’Afrique, la décentralisation transfère les pouvoirs, mais ne transfère pas les moyens financiers allant de pair.
Due à ce besoin de fonds, la politique adoptée par la Commune concernant la gestion du Marché est le principe d’universalité budgétaire : la part des taxes provenant du Marché sont réinjectées dans l’ensemble des infrastructures communales. Ce qui signifie, que l’ensemble des recettes récoltées grâce aux taxes ne retourne pas en investissements directs sur le Marché, mais peut servir à d’autres projets faisant partie de la Commune. De plus, nous avons constaté que si tous les commerçants paient des taxes, qu’elles soient journalières, mensuelles ou annuelles, la base de tarification semble être toute relative à la vision du percepteur. Les impacts de cette politique de gestion résultent, entre autres choses, dans le manque d’infrastructures adéquates et de services fournis par la Commune aux commerçants. Ceux-ci se voient donc dans l’obligation de payer eux-mêmes les services de base comme l’eau (dans le secteur formel, un bidon d’eau vaut 50 CFA, la moitié allant pour le porteur), la sécurité et le gardiennage (dans le secteur formel, ce service vaut 1250 CFA par mois, et pour les vendeurs ambulants, ce service coûte 25 CFA par jour). La seule mesure de pression des commerçants sur la Commune reste cependant le non-paiement des taxes.
Nécessité d’une approche participative dans la gestion du marché et de la ville.
Cependant, les politiques et les actions entreprises à ce jour, semblent avoir montré leurs limites, et il paraît maintenant important que les collectivités locales de Thiès comme d’ailleurs commencent à travailler dans la perspective d’une approche participative. Le Marché Central nous a paru un exemple intéressant pour comprendre l’enjeu et les conséquences que peuvent avoir des actions qui n’auraient pas accordé d’importance à la consultation de sa population.
En effet, même si le Marché Officiel à Thiès vient juste d’être réhabilité, cela ne signifie pas que tous ces problèmes aient été résolus. Le choix et la conception des nouveaux locaux soulèvent un certain nombre d’interrogations, car beaucoup de maladresse peuvent y être relevées. Il semblerait effectivement, que l’espace n’a pas été conçu en considération des normes, des besoins et des revendications des vendeurs qui allaient y travailler. Cela entraîne notamment aujourd’hui une sous-utilisation des espaces à l’intérieur du bâtiment officiel. Un exemple parmi d’autres est l’installation faite pour les vendeuses de poissons sur des tables en céramique qui se sont révélées trop étroites et trop hautes pour la vente des produits. Cette zone du marché est donc aujourd’hui abandonnée par les vendeuses qui le jugent inadéquate et ont préféré continuer leurs activités sur le secteur informel de Sam I. Outre cet exemple de mauvaise planification, on notera aussi l’étroitesse des artères de circulation, un manque de lumière naturelle, l’absence d’aération et de ventilation, une importante humidité, la petite taille des boutiques et le manque d’espace de stockage qui sont autant de sources de mécontentement des vendeurs que des consommateurs.
Nos premières observations, montrent à quel point les problématiques propres au Marché de la ville de Thiès sont interdépendantes et comportent plusieurs facettes. La recherche de solutions exige un nouveau type de gouvernance basé sur le renforcement des capacités locales, et ce, à tous les niveaux. Nos premières analyses montrent que les populations pauvres et vulnérables utilisent ainsi une proportion considérable de leurs revenus et de leur temps, pour palier aux manques d’accès aux services de base, au détriment de la production de richesse et de ressource. Faciliter l’accès à l’information, au conseil et à l’encadrement est donc important. De plus, les gouvernements locaux disposent de ressources humaines, financières et logistiques inadéquates et leur personnel manque généralement de capacités techniques, d’expertise et de savoir-faire. Malgré tout, l’évaluation est difficile, car il ne faut pas oublier qu’il existe différentes formes de gouvernance, que celle-ci n’a pas de recette universelle et qu’au contraire elle doit s’adapter aux paramètres de chaque pays et de chaque gouvernement.
Nos rencontres avec certains directeurs de services montrent ainsi que malgré quelques erreurs et un manque flagrant de capitaux, la Commune a pris des décisions adéquates en rapport avec sa législation. Notamment en ce qui concerne les actions en relation avec la santé publique et les problèmes d’environnement. Qu’il s’agisse du code de l’hygiène ou de plan-masse sur la répartition des décharges, la Commune montre une forte motivation à évoluer et à améliorer son système de gestion de la ville. Mais d’après nos observations, la difficulté vient de la conciliation des règles de l’administration moderne avec les règles respectées par les populations. Car notre étude nous a montré que le problème ne venait pas d’un besoin de structure ou du manque de réglementations, mais plutôt du manque de moyens financiers et de volonté qui permettrait la mise en place de ces structures et leur contrôle régulier. En effet, la plupart des lois ne sont jamais mises en place même si elles ont été écrites et votées. Un bon nombre sont en effet complètement périmées spécialement en terme de contenu et de sanctions et la population refuse donc de se soumettre à ces lois.
A Thiès par exemple le Service d’hygiène, chargé du contrôle sanitaire dans la ville et sur les marchés a établie un Code de l’Hygiène, qui implique des verbalisations et des amendes basées sur la Loi Nº 83.71 du 5 juillet 1983. Mais ce règlement n’est pas où très peu respectés au niveau du marché, d’abord car le Service n’a pas assez de moyens pour faire autant de contrôles qu’il le désirerait, de plus les contrôles ne peuvent être que visuels, car les tests en laboratoire coûtent trop cher. De même, il y a ici une différence de logique qui bloque tout le processus, avec d’un coté la Commune qui veut instaurer un cadre institutionnel à travers des lois peu flexibles et peu adaptées aux besoins des acteurs du marché et de l’autre la situation sur le terrain oú la société civile refuse de suivre les règles et les lois dictées par la Commune. Cette différence de logique est amplifiée par le manque de consultation et d’échange avec la population avant d’établir ses règles ou d’entreprendre des actions.
Notre constat appuyé par les témoignages des acteurs locaux, est donc que la Commune de Thiès a besoin d’accroître ses capacités et d’améliorer son système de gouvernance. Car la gouvernance pourra aider à renforcer la confiance publique dans l’action et l’administration de l’État dont elle fait défaut aujourd’hui. La Commune devrait ainsi donner aux acteurs les moyens de disposer des capacités nécessaires à l’exécution de la décentralisation. C’est d’ailleurs ce qu’elle a commencé à faire à travers les actions que nous avons développé en début de cet article, notamment avec le système IMAP de vulgarisation de la gestion urbaine. L’approche participative dans la gestion urbaine est devenue incontournable et évidente, car les populations locales connaissent leur environnement et leurs besoins mieux que quiconque. Ce défi consistera donc à adapter et simplifier les procédures, autant que possible aux besoins et aux conditions de la gestion locale et de les rendre accessible à toute la population. Il faudra ensuite introduire des règles et des pratiques de gestion transparente, de partage de l’information et des procédures de décision au niveau de la Commune.
Notas de bajura de página
1 Ville et économie informelle, Colloque international Bamako 16 &17 Mars 2002.
2 Source site web de la mairie de Thiès : www.mairie-thies.sn
3 Thiès, Sénégal : les systèmes d’information au service de la gestion urbaine concertée, par Amadou SALL, Département Géomatique, Centre de Suivi Écologique (Sénégal)
4 Source site web de la mairie de Thiès : www.mairie-thies.sn
Séverine Pain est l’une des membres de l’Atelier de Master de l’Université de Montréal - ENEA. Architecte-Paysagiste diplômée de l’ESAJ à Paris, elle a travaillé quatre ans en Chine et à Hong Kong comme responsable de projet pour une grande agence américaine avant de reprendre un DESS et bientôt une maîtrise d’urbanisme à l’Université de Montréal. Ses intérêts et axes de recherche sont orientés sur la gestion urbaine dans les pays en développement et dans les quartiers sensibles des grandes villes.
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