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Etude des formes de démocratie participative en France

Rapport de synthèse d’un groupe d’étude de l’Institut d’Etudes Politiques de Paris

Fecha de redacción de la ficha : 05- 06

Par BRENDEL Verena, CONFAVREUX Marine, OBLED Loïc, PFLIEGER Joachim, SEGOL Julien, VEYRENC Thomas

L’objet de notre démarche consiste à explorer les formes émergentes de démocratie participative en France et à déterminer notamment s’il est possible de parler aujourd’hui d’une « démocratie participative à la française » , à côté des expériences qui ont pu être menées depuis quelques années dans des villes d’Amérique latine telles que Porto Alegre. Il s’agissait d’aller à la rencontre des acteurs de cette nouvelle forme de participation citoyenne en interrogeant des personnes situées aux divers échelons de la structure

1. Les prémisses épistémologiques :

a) L’objet de notre démarche consiste à explorer les formes émergentes de démocratie participative en France et à déterminer notamment s’il est possible de parler aujourd’hui d’une « démocratie participative à la française » , à côté des expériences qui ont pu être menées depuis quelques années dans des villes d’Amérique latine telles que Porto Alegre. Il s’agissait d’aller à la rencontre des acteurs de cette nouvelle forme de participation citoyenne en interrogeant des personnes situées aux divers échelons de la structure.

b) La méthodologie que nous avons adoptée a donc été la suivante. Nous avons sélectionné sept « cas d’étude » qui font chacun l’objet d’une fiche d’analyse séparée :

  • les comités de pilotage à Agen,

  • les expériences de démocratie participative à Lille,

  • le conseil de quartier d’Issy-les-Moulineaux,

  • quatre conseils de quartier de quatre arrondissements différents de Paris : le IV°, le X°, le XIII° et le XV°.

Il est dès à présent nécessaire de préciser que notre étude n’est évidemment pas exhaustive et que si elle ne se limite pas à Paris intra muros, elle demeure très partielle pour le reste de la France. L’intérêt consiste donc surtout à présenter des études de terrain précises et à amorcer une réflexion sur les formes, les réalisations, les évolutions et les problématiques spécifiques à la démocratie participative en France. En outre, malgré quelques explorations du côté des associations, des réseaux d’échange de savoir ou encore des cellules de base de certains partis politiques, nous avons décidé de nous concentrer sur les structures qui sont réellement au cœur de la démocratie participative en France au sens strict du terme, à savoir les conseils de quartier.

Toutes les interviews réalisées (de trois à cinq pour chacun des sept cas) se sont basées un questionnaire pré-établi par nos soins (voir pièce jointe). Les premières questions nous ont servi à connaître précisément les structures mises en place et à dégager leurs particularités. Nous avons posé ces questions à chaque fois, y compris lorsque les structures nous étaient déjà connues par des entretiens antérieurs et cela s’est avéré particulièrement éclairant. En effet, nous avons obtenu des réponses diverses voire divergentes de personnes travaillant au sein de la même structure. Deux hypothèses peuvent alors être avancées comme explication.

  • Hypothèse 1 : méconnaissance des mécanismes de la part des acteurs.

  • Hypothèse 2 : flexibilité de la structure, qui a pu évoluer de manière divergente selon les arrondissements.

Il semble que les deux hypothèses soient vérifiées. A Paris, il est vrai qu’on a pu observer chez un certain nombre de participants une méconnaissance des statuts des conseils de quartier. Cela n’est au reste pas vraiment étonnant, vu la jeunesse de l’institution. Les participants aux conseils de quartier n’avaient pas d’idée précise de leur fonction et de leur rôle. Trois ans plus tard, la définition du rôle de « conseiller » semble à peine en voie de consolidation et a pris des directions assez différentes, ce qui nous amène à constater que la seconde hypothèse nous apparaît encore plus justifiée que la première. Les chartes des conseils de quartiers, adoptées dans chaque arrondissement, forment un canevas indispensable mais laissent une marge de liberté dans l’interprétation, ce qui a abouti à une assez grande diversité entre les conseils de quartier que nous avons pu observer. La différence du point de vue des structures est considérable. En effet, on trouve des conseils dont la composition reste fidèle à la charte (voir fiche sur le IV° arrondissement) et d’autres bien plus éloignés (voir fiche sur le X° arrondissement). Mais cela tient sans doute aussi au contexte de formation du conseil, certains étant nés de façon plus spontanée et antérieurement à ceux créés en application de la loi Vaillant.

Notre rapport s’attachera donc à relever les forces et les faiblesses de la démocratie participative en France tout en montrant que ses structures sont mouvantes et fortement évolutives, ce qui est sans doute porteur d’avenir. Nous assistons à l’émergence, encore embryonnaire, d’une nouvelle attitude citoyenne qui rompt avec la tradition jacobine centralisatrice du pays et qui tend à ce que chacun prenne en main les problèmes de son environnement.

2. La diversité des structures : les sept cas étudiés présentent des structures organisationnelles diverses. A Paris, chaque conseil de quartier est en principe composé de trois collèges : un collège des citoyens (tirés au sort sur les listes électorales ou sur une liste de candidats), un collège de personnalités représentatives de la vie culturelle et associative du quartier et un collège représentant la majorité et la minorité de la mairie, mais nous avons remarqué des variantes au sein même de la ville (voir le cas plus atypique du X°). Un quatrième collège est parfois constitué pour représenter de façon autonome les représentants d’association. Il s’agit donc bien ici de développer un mode de représentation parallèle à la démocratie représentative, en donnant aux conseils de quartier une assise nettement plus large, en représentant les habitants dans leur diversité. A Agen en revanche, la participation des habitants s’effectue par le biais de réunions publiques et de comités de pilotage. A Issy-les-Moulineaux, il s’agit d’un conseil représentant en plus les commerçants, les « aînés » , les jeunes et les membres du conseil communal économique et social, ce qui donne aux assemblées une coloration nettement plus corporatiste par comparaison avec le caractère plus mixte et plus hétérogène des conseils de quartiers.

3. La variété des modes de fonctionnement : il faut surtout souligner l’importante diversité des modes d’action et de fonctionnement de ces structures. Si les chartes des conseils de quartiers, adoptées dans chaque arrondissement, forment un canevas indispensable elles n’en laissent pas moins une grande latitude aux conseils quant aux choix de formations et de modes d’action. Plusieurs éléments nous paraissent jouer un rôle déterminant du point de vue de cette diversité :

 La personnalité de l’élu. Oriente-t-il les débats à sa guise ou laisse-t-il au contraire une certaine marge de manœuvre aux conseillers ?

 La personnalité des participants. Ont-ils élu un président qui dirige effectivement les débats ? Ont-ils formé des commissions qui travaillent de manière indépendante ? Quel temps y consacrent-ils ? Ainsi, nous avons été frappés par les différents degrés d’implication d’un conseiller à l’autre. Ceux qui ont déjà un engagement politique ou associatif semblent s’investir davantage, tandis que certains se contentent d’assister aux réunions mensuelles. On retrouve des pratiques militantes dans certaines actions des conseils (par exemple, distribution de tracts par des conseillers communistes). Les problèmes d’absentéisme dans le collège des citoyens ont poussé certaines mairies à adopter des règles du type : « au-delà de tant d’absences aux réunions, le conseiller sera remplacé » , ce qui de fait, contribue à exclure les individus qui sont déjà les moins engagés et représentés. A l’inverse, les plus actifs et les plus disponibles prennent en main l’essentiel des décisions. Dans le XV°, on peut même constater la formation d’un groupe de réflexion en marge des conseils qui tente de promouvoir une participation accrue des habitants.

 La sociologie du quartier : si une préoccupation commune a pu être dégagée (l’aménagement « local » de la voirie et des équipements municipaux), le reste est fonction des caractéristiques socio-économiques propres à chaque quartier. Ainsi le conseil de quartier Patay-Masséna, de même que les conseils du X°, ont-ils vivement défendu des revendications sociales (celui-ci en luttant pour l’obtention de plus de logement sociaux, celui-là en formulant un vœu concernant l’emploi dans une zone touchée par un fort taux de chômage), tandis que d’autres structures ont axé leurs travaux sur la sécurité ou que des conseils de quartier tels que ceux du IV° arrondissement, par exemple, se concentrent plus exclusivement sur des problèmes d’aménagement de voirie. Des montants alloués à chaque quartier d’Issy-les-Moulineaux servent également en pratique à financer des aménagements d’espaces verts et de voirie (dont la rénovation de la gare) et les problématiques abordées dans cette commune plutôt aisée et très dynamique économiquement sont peu en lien avec les questions sociales.

Tous ces éléments expliquent la diversité des réponses obtenues à des questions telles que « en quoi consiste la structure ?  » ou « quels en sont les objectifs ?  » . Ces variations de perception se retrouvent également dans l’évaluation des réalisations passées, des forces et des faiblesses de la démocratie participative. Car si pour certains conseillers, la formule des conseils de quartiers est à l’évidence un succès qui a déjà permis des réalisations concrètes, d’autres restent nettement plus réservés quant à l’évaluation du fonctionnement de la démocratie participative, par ailleurs jugée nécessaire dans son principe (voir notamment le X° et XIII° arrondissements).

4. Quelle neutralité politique au sein des conseils ? Ayant été mis en place par la majorité municipale de Bertrand Delanoë à grande échelle (même si quelques initiatives spontanées avaient servi de précédent, notamment dans le XX° et dans le X°), une question centrale était de savoir si les conseils de quartiers allaient refléter dans leur composition la majorité municipale. Les conclusions que nous apportons ici seront assez prudentes car un échantillonnage beaucoup plus vaste serait nécessaire afin d’apporter une réponse catégorique.

Tout d’abord, les débats qui ont lieu dans les conseils de quartiers ne sont pas des débats politiques classiques. Cela est notamment dû au fait que les sujets les plus locaux ne se prêtent pas à la reconstitution du système partisan traditionnel. Certains conseillers et élus revendiquent le caractère apolitique des structures de démocratie participative. Les conseillers-citoyens ne viennent pas, sauf exception, aux conseils de quartier en affichant leur préférence politique, et ne la révèlent pas volontiers. Nous avons pu ainsi rencontrer des militants communistes dont l’appartenance politique était totalement inconnue de leurs collègues. Par ailleurs, même lorsque la sensibilité politique des conseils de quartiers reflète la composition de leur municipalité (voir par exemple le X°, XIII°, ou IV°), cela ne facilite pas pour autant la relation mairie/conseils ni ne favorise la réalisation des projets émergeants de la part des conseils.

Ensuite, l’opposition municipale a plutôt tendance à participer aux conseils de quartier, mais il existe des exceptions (par exemple au conseil de quartier Patay-Masséna dans le XIII° où aucun des élus inscrits de l’opposition n’a jamais participé aux séances). De même, dans certains cas des membres des conseils de quartiers militant par ailleurs dans des partis politiques extrémistes se sont retirés spontanément des conseils où ils ne trouvaient ni soutien ni écho à leur tentatives d’introduire des biais politiques dans les débats (cf. des communistes particulièrement critiques dans le X° ou encore des membres d’extrême droite homophobes dans le IV°). Il nous semble que, sans être véritablement « récupérées par la gauche » , les expériences de démocratie participative s’inscrivent dans une optique nettement progressiste et que les mairies de tendance socialiste et centriste ont réussi d’une manière générale plutôt mieux que les autres à porter ces projets. Ce point n’est cependant qu’une hypothèse que l’étendue de notre étude ne permet pas de trancher.

5. Les rapports de pouvoir entre la mairie et le conseil : il est frappant de constater dans la plupart des conseils de quartier une réelle volonté de coopération avec la mairie et les services de la ville, même si certains élus municipaux rappellent que la mise en place des conseils a parfois nécessité un délai d’adaptation pour que les conseillers comprennent qu’ils n’étaient pas un doublon des élus et qu’ils ne pouvaient prétendre s’arroger certaines compétences. Il semble s’agir là d’une réelle convergence entre les formes de démocratie participative à la française. Ainsi, les participants aux conseils de quartier ne considèrent absolument pas leur rôle comme consistant à contourner les élus. Pour résumer le sentiment général, on pourrait avancer que leur conception dominante consiste à se penser comme des intermédiaires entre élus et citoyens pour des questions purement locales. La démocratie participative n’est donc pas envisagée comme un moyen d’avoir directement accès à la gestion de la ville en évinçant les élus. Les personnes interrogées ne font pas spontanément le lien entre conseils de quartiers et démocratie directe, et la place prépondérante des élus est souvent rappelée et souhaitée. En effet, certains nous ont même indiqué avoir pris conscience des contraintes inhérentes à l’action publique et de la nécessité des compétences attribuées aux élus. On retrouve cependant quelques fortes revendications allant dans le sens de plus d’autonomie (cf. le X°), mais ce n’est pas le sentiment majoritaire.

Cependant, il existe toujours un risque potentiel de dérive vers une instrumentalisation des conseils de quartier de la part des mairies. En d’autres termes, sous couvert de coopération avancée, les élus seraient tentés d’utiliser ces derniers à des fins politiques. Les conseils servent alors de garant légitimant les décisions unilatérales de la mairie (voir fiche sur le XIII°), voire font office de vitrine pour la bonne publicité des élus briguant de nouvelles élections. Si certains conseillers du IV° par exemple ont pu relever de telles tentatives – qui ne semblent pas pour autant avoir mis en danger le principe même de la démocratie participative- il semble que dans le cas du XV°, l’instauration des conseils a paradoxalement renforcé le manque de transparence au niveau des processus décisionnels internes.

6. La question de la participation au budget : une spécificité française ? En France, on ne trouve pas de revendications concernant le vote du budget municipal. Un tel dispositif a été mis en place à Porto Alegre où le budget repose depuis 1989 sur un principe de délégation directe et complète, aux citoyens, des choix relatifs à l’utilisation d’une proportion significative du budget public. On peut se représenter le dispositif du budget participatif comme un ensemble d’assemblées et de réunions permettant à la population de décider des priorités d’investissement et aux délégués qu’elle choisit démocratiquement d’élaborer le budget municipal et de contrôler l’intégralité de son exécution.

La distinction avec les cas français est donc ici très nette et permet sans aucun doute de mettre en valeur une spécificité de la forme de démocratie participative à Paris. Certains conseils de quartier n’utilisent pas leur budget, que cela soit par scrupule (comment utiliser au mieux l’argent public ? ), par manque d’idées, ou plus simplement par inexpérience de la gestion de fonds publics. Selon M. Pellissier, adjoint au maire du XIII° chargé de la démocratie participative, les conseils de quartier sont plus enclins à utiliser leur budget de fonctionnement (3400 € annuels, non reportables) que leur budget d’investissement (8600 € reportables). Ce budget, qui semble assez peu utilisé dans le XIII° arrondissement, l’est beaucoup plus ailleurs : alors que certaines structures n’utilisent pas les fonds, d’autres n’hésitent pas à mandater des cabinets d’architectes et d’urbanistes afin de faire réaliser des études parfois concurrentes à celles commandées par la mairie sur des questions d’aménagement majeures. On retrouve ici une différence de formation à l’utilisation de tels fonds due au bagage des différents conseillers. De même, dans le IV° arrondissement, les habitants ont préféré jusqu’à présent cumuler leur budget d’investissement afin de financer un projet de plus grande ampleur lorsqu’ils s’y sentiront prêts.

Néanmoins, on peut tout de suite identifier une exception importante à Issy-les-Moulineaux où les structures sont dotées de moyens beaucoup plus importants. Ici, le vote et la gestion du budget participatif, qui comprend un budget d’investissement extrêmement important de 152 000 euros par an et par quartier ainsi qu’un budget de fonctionnement de 15 000 euros par quartier et par an, sont les tâches essentielles des conseils de quartier. La mairie ne peut pas imposer ses projets aux conseils de quartier qui tranchent donc eux-mêmes.

7. Le problème de la représentativité des conseils

Dans tous les cas que nous avons étudiés, le manque de volonté de participer de la grande majorité de la population constitue une échec relatif. Un exemple retenu dans le cas d’Agen peut illustrer cela. Dans un questionnaire distribué aux citoyens, il leur a été demandé s’ils souhaitaient s’impliquer dans la vie de leur quartier : la réponse négative était majoritaire. Même si nous n’avons pas, dans le cadre de notre étude, évalué en profondeur les raisons possibles pour ce manque de volonté de participation, nous pouvons supposer les raisons de la non-participation, en analysant quelles tranches de la population s’impliquent effectivement dans la vie de leur quartier.

Les conseils de quartier ont en effet l’objectif de « représenter équitablement la population dans sa diversité, notamment en assurant la présence des jeunes dès l’âge de 16 ans et des résidents étrangers » . En l’occurrence, ce pari n’est pas tenu: les conseils de quartiers ne représentent pas la population dans sa diversité. Notamment, très peu de jeunes y participent (par contre il y a beaucoup de retraités), ainsi que très peu de résidents étrangers (au départ, le tirage au sort a été fait en se basant sur les listes électorales ! ). Cela est surtout flagrant dans des cas comme ceux du X° et XIII° arrondissements où l’importance de la population étrangère n’est absolument pas reflétée. De ce point de vue, les conseils de quartiers reproduisent donc inévitablement les lignes de clivages sociaux (l’absence d’une plus grande mixité sociale dans la composition des conseils de quartiers reflétant les défauts d’intégration de la société).

Les raisons pouvant expliquer cette exclusion peuvent tenir aussi bien à un manque de maîtrise de la langue française (obstacle fondamental à l’intégration sociale), qu’à un manque d’informations ou de temps. Par contre, les personnes qui sont socialement plus favorisées (classes moyennes et, dans une moindre proportion, supérieures) ou qui ont plus de temps comme les retraités, participent beaucoup plus et profitent ainsi plus des dispositifs participatifs. Les conseils de quartier aboutissent donc, de manière apparemment paradoxale, à sur-représenter une population déjà intégrée au jeu démocratique traditionnel (voir à cet égard la fiche sur le XIII° arrondissement).

8. Un point faible essentiel : le manque d’information. Un des défauts majeurs qui a souvent été identifié se situe, en effet, au niveau de l’information et de la communication. Nous avons constaté des disparités importantes entre les différentes structures que nous avons étudiées. Par exemple à Issy-les-Moulineaux, la population est tenue au courant des activités des conseils de quartier par des publications dans un Journal mensuel et via un site Internet. Dans le XIII° arrondissement, les conseils de quartier disposent également de leur journal (une voie que les conseils de quartier du IV° arrondissement s’apprêtent à suivre). Par contre, particulièrement dans le XV° arrondissement, les habitants sont plutôt mal informés des activités du conseil puisqu’il n’existe pas de panneaux d’affichage ni de relais d’information efficaces.

9. Une structure en devenir : les problèmes de fonctionnement et de participation des conseils de quartiers sont souvent explicables par le manque d’expérience et de maturité liés au fait que les structures sont encore très jeunes. Il fallait une certaine révolution des mentalités de la part des élus qui doivent désormais travailler avec les habitants, mais aussi de la part des habitants qui doivent se rendre compte qu’il sont censés représenter l’intérêt général du quartier.

La question de la formation des citoyens se pose donc, car il apparaît que les personnes socialement plus favorisées ont une plus grande confiance en eux, notamment lorsqu’il s’agit de gérer un budget ou de prendre la parole sur la scène publique. La démocratie participative en France semble donc s’inscrire dans un processus d’apprentissage continu. Les citoyens apprennent peu à peu à utiliser les moyens que leur confère la loi et à exploiter les marges de manœuvre que leur laisse la mairie. Cet apprentissage par les citoyens a notamment été souligné par un membre du cabinet de la maire du IV° arrondissement : « Au début, certains conseillers se sont crus maires de leur quartier. Il leur a fallu apprendre à se positionner » . La réciproque est également valable, le lancement des conseils de quartier n’ayant été accueilli que fraîchement par certains élus, y compris de l’actuelle majorité, avant qu’il n’apparaisse clairement que les structures nouvellement crées ne visaient pas à remplacer les élus. En d’autres termes, la démocratie participative à la française, si elle existe, demeure un complément de la démocratie représentative. A aucun moment elle est sensée la supplanter.

Toutefois, bénéficiant d’un effet de cliquet, la démocratie participative aujourd’hui est devenue incontournable et il est désormais inenvisageable de décider d’une action d’envergure dans un quartier spécifique sans au moins consulter le conseil de quartier. Dans cette optique, cette expérience semble être un succès. Mais elle n’en demeure pas moins à un stade encore embryonnaire et beaucoup de questions restent en suspens. En fait, les différentes personnes interviewées ne sont pas unanimes quant à la finalité des dispositifs participatifs mis en place. Cela est nettement visible notamment dans le cas du XV° arrondissement où nous avons confronté les opinions de deux personnes interviewées. Selon une élue UMP, les compétences du conseil de quartier ne doivent pas empiéter sur les prérogatives des élus qui gardent donc tout à fait le monopole de la décision en dernière instance. Par contre une membre du collège des particuliers du XV° revendique une vraie participation des citoyens avec une plus grande liberté et autonomie qui responsabiliserait les membres du conseil.

On peut avancer l’hypothèse que si les conseils bénéficiaient de plus de marge de manœuvre, de pouvoirs et de moyens (financiers entre autres), cela stimulerait la participation de la population puisque les personnes auraient le sentiment d’avoir un plus grand impact et de pouvoir « faire bouger des choses en grand » . Certes, la participation souffre aussi d’un manque d’information et de communication comme nous l’avons vu plus haut. Mais le cas de Porto Alegre, où les citoyens, d’une part ont des pouvoirs de décision très importants et où la participation, d’autre part, est très forte, peut renforcer l’idée que des pouvoirs réels inciteraient beaucoup plus de gens à s’engager.

Enfin, concernant la communication en France entre les différentes structures mises en place, nous avons pu constater qu’il existe des dispositifs permettant l’échange de pratiques et d’idées comme par exemple l’Observatoire de la démocratie locale de la Ville de Paris où le Printemps de la démocratie (qui s’est tenu cette année le 18 juin) et même quelques structures d’échange au niveau international. Pour autant, ce sont là des structures encore trop embryonnaires, qui doivent être amenées à se développer afin de permettre, non seulement une plus grande participation des populations à la vie démocratique locale, mais aussi une meilleure représentativité des conseils dans leur composition et une plus grande envergure de leurs actions.

 

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