Análisis Análisis

Islam, démocratie et gouvernements maghrébins : des relations ambivalentes

Evolution et diversité des mouvements islamiques au Maghreb

Por Stefanie Widmer, chargée de mission

Palabras clave

- MAGHREB

Introduction

Les pays du Maghreb ne sont pas considérés par les bailleurs de fonds - Banque mondiale, ONU, Union européenne - comme de véritables démocraties. Ces institutions leur reprochent notamment de ne pas appliquer suffisamment les critères de la « bonne gouvernance ».

Comment expliquer les difficultés de mise en œuvre d’un système démocratique dans les pays du Maghreb ? Est-ce dû au refus des régimes d’appliquer les critères des bailleurs de fonds ? Ou bien ces critères de « bonne gouvernance », basés sur des principes occidentaux, posent-ils eux-mêmes problème quand on les applique aux spécificités maghrébines ?

Cette fiche analyse d’abord les difficultés d’application des critères des bailleurs de fonds dans ces pays. L’attention est ensuite portée sur les particularités de l’islam. Suit une vue d’ensemble sur les mouvements islamistes des pays du Maghreb, sur leur confrontation avec les régimes autoritaires et sur les causes de leur faible participation aux processus électoraux. Enfin, une alternative politique pour amélioration la situation est proposée.

Les critères de bonne gouvernance sont-ils neutres ?

En 2005 la Banque Mondiale organise une table ronde à Tunis pour débattre de la « bonne gouvernance » au Maghreb1. La Banque mondiale évalue la qualité de la gouvernance d’un pays à travers le CPIA (« country policy and institutional assessment », en français « EPIP » pour « évaluation politique et institutionnelle du pays ») sur la base de vingt critères, organisés en quatre catégories : la gestion économique, les politiques structurelles, les politiques de cohésion sociale et la gestion des institutions du secteur public. Cette évaluation de la performance du cadre politique et des institutions nationales est censée aider les bailleurs de fonds à effectuer une allocation optimale de leurs financements, en favorisant les pays à même d’en tirer le plus grand bénéfice. Les évaluations effectuées à l’aide de cette batterie de critères (CPIA) placent le Maghreb « à la traîne » en matière de bonne gouvernance : la qualité des biens et services publics se dégrade ; les institutions, fonctionnent difficilement ; la progression des indices de développement humain ralentit, et enfin les frustrations et les tensions sociales s’accumulent.

Pour améliorer cette situation, la Banque mondiale préconise plusieurs réformes : la séparation des pouvoirs ; la liberté d’expression ; la réforme de l’administration; et enfin la participation des différents acteurs à la vie démocratique : partis politiques, médias, ONG et autres représentants de la société civile. Des élections transparentes constituent la forme la plus instituée de cette participation. La tenue d’élections conduites sans l’intervention des pouvoirs en place fait ainsi partie de la bonne gouvernance.

Certains observateurs remettent en question la pertinence du CPIA, les critères de notation comme leur interprétation n’étant pas neutres. Le CPIA n’évaluerait ainsi pas vraiment la qualité de la gouvernance d’un pays mais plutôt le niveau d’adoption des politiques néolibérales par un gouvernement2.

Certains opposants au CPIA le considèrent même comme un outil idéologique qui impose des politiques publiques incompatibles avec les traditions et la culture au Maghreb.3

L’islam et la démocratie

Les pays qui souhaitent le soutien des bailleurs des fonds sont censés mettre progressivement en œuvre un système politique démocratique.

Deux définitions le caractérise : la première est légale et constitutionnelle ; la seconde politique et pratique. La démocratie repose sur un gouvernement constitutionnel, représentatif, et issu d’élections libres et transparentes, par lesquelles le gouvernement en place peut être remplacé de manière pacifique. La démocratie implique aussi le respect de la liberté individuelle et des droits de l’homme4.

La démocratie est compatible avec plusieurs formes de gouvernement : république ou monarchie, régime parlementaire ou présidentiel ; laïcité ou religion d’État etc.

Ce système politique produit par l’Occident constitue un héritage de l’éthique judéo-chrétienne et du savoir-faire politique et juridique gréco-romain5.

Les partis et les Etats islamiques sont-ils à même de promouvoir des gouvernements démocratiques compatibles avec leurs visions politiques de la religion ?

La relation entre l’Islam et la démocratie semble ambivalente. L’Islam partage en grande partie l’héritage judéo-chrétien et gréco-romain qui a contribué à modeler la civilisation moderne. En revanche, l’islam politique paraît peu compatible avec une démocratie libérale.

En Occident, une des fonctions principales des institutions représentatives consiste à légiférer. Or, il n’existe pas de fonction législative dans un État islamique qui est en principe une théocratie,  dans le sens littéral d’une politique gouvernée par Dieu. Dans ce type d’Etat, l’autorité légitime vient de Dieu seul et le gouvernant tient son pouvoir, non pas du peuple, ni de ses ancêtres, mais de Dieu et de la loi sainte. Néanmoins, la succession dynastique est devenue la règle même si elle n’est pas approuvée par la loi sainte.

Il n’est donc pas surprenant que l’histoire des États islamiques soit celle d’une autocratie ininterrompue.

Ces obstacles ont été renforcés par le processus de modernisation aux XIXè et XXè siècles. Le pouvoir de l’État s’est fortement accru. Aucun calife arabe ou sultan turc n’a jamais possédé une puissance équivalente à celles des régimes islamiques autoritaires d’aujourd’hui.

La tradition islamique contient aussi des éléments favorables à la démocratie Le califat islamique est une autocratie, mais il n’est pas pour autant un despotisme, bien au contraire. Le calife doit être élu par ceux qui sont qualifiés pour le choisir. Le principe de l’élection demeure au centre de la jurisprudence sunnite. De plus, si un calife manquait à ses devoirs, il pouvait être démis. Le dirigeant d’un Etat islamique n’est donc pas au-dessus des lois. Autre élément proche des conceptions démocratiques, la loi islamique accepte le principe du pluralisme. Le monde islamique se caractérise ainsi par une étonnante diversité.

Néanmoins, avec le temps, la doctrine de la souveraineté élective et contractuelle ne semble plus appliquée. La suprématie de la loi n’est pas toujours respectée et le pluralisme diminue en période de tensions religieuses, ethniques ou sociales.

Même s’il existe des obstacles à la démocratie dans les Etats islamiques, l’islam défend aussi des principes politiques de type démocratique.

L’islamisme : une approche contrastée

La mise en œuvre d’un système démocratique selon la vision occidentale pourrait poser problème dans un Etat islamiste.

Que prônent les mouvements islamiques soupçonnés d’être une menace pour la démocratie ? En respectent-ils les règles du jeu ? Pour répondre à ces questions, un bref aperçu de l’islamisme et de ses contrastes s’avère nécessaire.

Les définitions des différentes mouvances de l’islam varient selon les auteurs. Les uns distinguent ainsi l’islam laïque de islamisme radical ; d’autres ajoutent les termes traditionaliste ou encore fondamentaliste. Nous avons centré notre étude sur les mouvements islamiques impliqués dans la vie politique et qui influencent le processus électoral.

La notion d’«islamique» fait référence à l’islam à la fois comme religion et comme civilisation. En ce sens, les partis politiques au Maghreb pourraient presque tous être qualifiés d’« islamiques », puisque leurs membres sont des musulmans qui respectent leur religion et leur civilisation.

En revanche, les notions d’«islamisme» et d’«islamiste» sont plutôt utilisées aujourd’hui pour désigner l’islam politique. Certains considèrent que l’islamisme constitue une idéologie qui dépasse la religion, et propose un système qui règule également les aspects politiques, économiques et sociaux de la vie. En ce sens, l’islamisme rivalise non pas avec d’autres religions, mais avec d’autres idéologies, comme le nationalisme, le communisme, le capitalisme ou le fascisme6. L’islamisme politique est né en Egypte en 1928 avec la création du mouvement des Frères Musulmans de Hassan el Banna. Dans les années 1980, il s’est affirmé avec l’arrivée au pouvoir de Khomeiny en Iran en 19797.

L’islamisme doit être distingué du traditionalisme et du fondamentalisme, bien que certaines formes d’islamisme s’en rapprochent.

Le traditionalisme correspond à une idéologie liée à la tradition mais qui n’est pas nécessairement celle des musulmans. Il renvoie à tout conservatisme et nostalgie du passé et il possède une dimension très morale. Ces critères l’éloignent des islamistes. En effet, les islamistes recrutent plutôt dans les milieux lettrés, connectés aux médias internationaux « modernes » (télévision, vidéos, etc.).8

Les fondamentalistes musulmans de leur côté s’intéressent davantage à la société, à la loi et au gouvernement qu’à la théologie. Ils combattent les idéologies comme le libéralisme, le socialisme ou le nationalisme. Ils estiment que le monde musulman subit les conséquences inévitables de l’abandon de la loi et du mode de vie donnés par Dieu. Pour eux, la notion de démocratie n’a aucun sens9.

Les islamistes comme les fondamentalistes sont partisans d’un retour aux textes sacrés. Mais ils divergent sur les moyens d’effectuer ce retour. L’islamisme repose sur une vision politique de la religion ; il aspire au retour à la pureté par le projet politique.10 Olivier Roy11 présente une autre distinction spécifique des fondamentalistes qui selon lui agissent dans un espace « déterritorialisé », non inséré dans un champ politique immédiat, à l’inverse des islamistes.

Les (néo) fondamentalistes se définissent en dehors de toutes différenciations ethniques, culturelles ou linguistiques. Ils souhaitent instaurer un code homogène adaptable à toute société.

La distinction entre l’islamisme, le fondamentalisme et le traditionalisme est indispensable pour comprendre l’évolution des mouvements islamiques au Maghreb. Les mouvements islamistes veulent établir la charia (la loi de l’islam) par un chemin politique légal et électoral. Les fondamentalistes, quant à eux, luttent pour un but non-négociable, détaché de la réalité. Toutes les méthodes peuvent être utilisées pour atteindre ce but.

L’islamisme au Maghreb

Les États du Maghreb - l’Algérie, la Tunisie, le Maroc et la Libye - ont géré différemment les mouvements islamistes.12

L’Algérie

Sous Ahmed Ben Bella (président 1962-1965), l’islam en Algérie était officiellement considéré comme la «religion du peuple» mais devait se gérer dans la sphère privée. La sécularisation de la société constituait le thème politique central même si l’Islam est formellement défini comme la religion de l’État. Ultérieurement, Houari Boumediene (1965-1978) n’a pas accepté les revendications des conservateurs qui voulaient contrôler certains secteurs idéologiques (culture et éducation). Il a néanmoins utilisé le courant conservateur pour affaiblir la gauche. L’entrée au gouvernement de quelques chefs de file conservateurs a marqué un tournant. La réforme de l’enseignement public en 1977 augmente ainsi la part de la religion dans les études. De 1980 à 1986, le ministère des Affaires religieuses lance une campagne de moralisation et d’islamisation. La collaboration entre les islamistes et le gouvernement continue jusqu’en 1986. A partir de cette date, le régime commence à percevoir l’islam politique comme une menace à son pouvoir.

Néanmoins, en 1988, Chadli Benjedid reçoit une délégation islamiste officielle, les reconnaissant ainsi comme des acteurs politiques légitimes. Cette ouverture de Chadli Benjedid aux islamistes s’explique par sa volonté de renforcer sa position par rapport au courant boumedieniste et par son besoin de trouver des alliés face aux forces d’opposition. Cette ouverture politique a contribué à diviser le mouvement islamiste. Le Front islamique du salut (FIS) est créé à la faveur de la révision constitutionnelle de 1989 qui instaure le multipartisme. Le FIS regroupe plusieurs associations religieuses contrôlant des mosquées, des structures de bienfaisance et d’enseignement religieux. La Ligue Islamique est créée en parallèle. À cause de conflits de personnalité, un troisième groupe apparaît, le Mouvement Conseil et Réforme, devenu le Hamas en 1990.

Le FIS s’impose comme la première force politique du pays au sortir des élections locales de 1990 et législatives de 1991. La nouvelle loi d’avril 1991 ne réussit pas à enrayer l’avancée électorale du FIS. Le Haut Comité de l’État interrompt alors le processus électoral pour empêcher les islamistes d’arriver au pouvoir. La guerre civile se déclenche et le tribunal administratif d’Alger dissout le FIS en mars 1992. 13.

Le Comité de salut de l’Algérie et la Conférence nationale pour le dialogue (CND) sont créés en janvier 1994 afin de mettre fin aux combats. L’armée rejette en janvier 1995 la proposition de paix Sant’Egidio élaborée par le FIS et par d’autres forces politiques, dont le FLN et la Ligue Algérienne des Droits de l’Homme. Le pays retrouve néanmoins alors un certain équilibre, politique et institutionnel, mais ce dernier reste encore fragile.

La Tunisie

La constitution tunisienne de 1956 reconnaît également l’islam comme la «religion du pays». Cette affirmation reste purement symbolique. Habib Bourguiba (1962-1987) prend même un ensemble de mesures pour limiter le poids de l’islam. Ces décisions rompent avec les codes culturels de la majorité de la population et sont perçues par certains comme une agression contre la culture arabe et la religion islamique. La naissance du mouvement islamiste remonte à 1972, avec la création de Al-jamaa Al-islamiya, devenu ensuite le Mouvement de la Tendance islamique (MTI). En réclamant l’application de la charia dans tous les domaines, il cherche à marginaliser la gauche implantée dans le monde universitaire et syndical.

En 1987, Ben Ali, à l’époque ministre de l’Intérieur, légalise plusieurs partis politiques et annonce la réconciliation nationale ainsi que la démocratisation. Devenu Président, Ben Ali permet aux islamistes de siéger au Haut Conseil Islamique, responsable des affaires religieuses, de prendre part à la rédaction du « Pacte National » qui pose les bases de toute activité politique, de participer aux législatives d’avril 1989. Enfin, il légalise l’Union générale tunisienne des étudiants (UGTE) liée à ce parti islamiste.

Ces mesures ont pour objectif de façonner un islam officiel. Tout en cherchant la légitimation populaire par la voie électorale, le régime veut à tout prix exclure les islamistes de la scène politique légale. Ainsi, les lois de mai 1988 et de février 1989 rendent illégale toute organisation politique fondée sur des bases raciales, régionales, linguistiques et religieuses. Au terme d’élections marquées par de multiples fraudes, le parti présidentiel (RCD) remporte les élections législatives, avec une très large majorité. Les islamistes choisissent alors la confrontation. En réponse, le gouvernement écrase le mouvement.

Depuis lors, le gouvernement tunisien contrôle toute opposition politique de manière forte et autoritaire, et en premier lieu celle des mouvements religieux.

Le Maroc

Au Maroc, le gouvernement a aussi cherché à subordonner les organisations religieuses, mais d’une façon différente. Dans un premier temps, la monarchie a confiné les oulémas (docteurs de l’islam) dans un espace strictement culturel et les a dépossédés de leur fonction normative. Ultérieurement, elle leur a permis de s’organiser en réponse aux critiques des intellectuels islamistes radicaux. Pour lutter contre l’islamisme, la monarchie a également renforcé le réseau associatif musulman et encouragé les différentes manifestations de l’islam populaire La monarchie n’a donc pas tenté d’éradiquer la question religieuse du tissu politique. Le régime a préféré contrôler la société traditionnelle plutôt que de se lancer dans un programme de modernisation menaçant les structures sociales traditionnelles.

Le premier mouvement islamiste, le Mouvement de la Jeunesse islamique, a été créé en 1969 et a été légalisé en 1972. Sa rapide expansion a provoqué une répression gouvernementale.

L’évolution chaotique de la transition algérienne avait inquiété le gouvernement, la gauche marocaine et la société en général. Profitant de cette inquiétude et des brutalités imputées aux islamistes, le pouvoir alarme plusieurs groupes sociaux et neutralise la demande de démocratisation. Lorsqu’il accède au trône en 1999, le jeune roi Mohamed VI donne un nouveau dynamisme à l’action sociale afin de concurrencer les islamistes sur leur terrain de prédilection. L’assignation à résidence de Yassine, ancien inspecteur de l’Éducation Nationale, interdit de prêcher dans les mosquées, est levée en 2000. Le pouvoir espérait que son mouvement Al Adl Wal Ihsane (Justice et spiritualité) soit affaibli par des luttes de pouvoir internes.

Al Adl Wal Ihsane est une association islamiste marocaine créée en 1973. Elle n’est pas légale mais tolérée par les autorités. Ses membres militent pour l’établissement d’un État basé sur la charia. Contrairement au Parti de la justice et du développement (PJD), qui demeure légaliste, Al Adl Wal Ihsane conteste le statut constitutionnel du roi de Commandeur des croyants. Le but ultime de Yassin est d’instaurer un Califat. Le mouvement n’envisage pas le recours à la voie démocratique des élections14 pour atteindre ses objectifs.

Le Maroc utilise une certaine « tolérance politique et sociétale» pour préserver l’équilibre du système politique mis en place à l’indépendance.

La Libye

En Algérie, l’idéologie nationaliste a constitué le fer de lance de la lutte anticoloniale. Selon Yahia H. Zoubir15, l’absence d’une telle idéologie en Libye a positionné les groupes religieux traditionnels en leaders de la libération coloniale. Lorsque Kadhafi prend le pouvoir en septembre 1969, il hérite d’un Etat établi sur des fondations religieuses où l’islam se situe au centre de l’idéologie politique. Kadhafi noue des relations étroites avec les oulémas pour asseoir sa légitimité. Il leur accorde des fonctions officielles dans les domaines éducatif et judiciaire. De plus, il renforce plusieurs aspects de la loi islamique comme par exemple l’interdiction de la vente d’alcool ou le rétablissement du calendrier islamique. Ultérieurement, dans les années 1970, quand son pouvoir est suffisamment consolidé, Kadhafi réduit l’influence des islamistes. Il introduit ensuite sa propre idéologie consignée dans le Livre Vert qui devient la norme unique, toute opposition étant sanctionnée.

Il adopte une attitude progressiste sur le statut social des femmes  : participation à des exercices militaires, droit des femmes en cas de mariage et de divorce, égalité entre l’homme et la femme devant la loi, polygamie rendue difficile. Par ailleurs, il multiplie les pressions sur les oulémas avec qui les relations se dégradent. Ces derniers déclarent le Livre Vert contraire aux vertus islamiques. La tension entre le régime et les groupes religieux s’intensifie en 1975. Selon certains intellectuels libyens, les autorités auraient fait exécuter des imams.

Kadhafi met en place une politique économique socialiste : le petit commerce est supprimé, le droit de propriété et les entreprises privées sont limités. Les conséquences économiques désastreuses de cette politique provoquent le mécontentement populaire. La politique étrangère du régime, le soutien au terrorisme, les tentatives de déstabilisation de divers pays amènent les États Unis (1973-2004) puis les Nations Unies (1992-1999) à prendre des sanctions drastiques contre le pays.

Ces événements alimentent la montée de l’islamisme libyen et notamment de l’islamisme extrémiste. Une sévère répression empêche l’opposition islamiste de se structurer.

Des mouvements islamistes émergent néanmoins en 1980. Les Frères Musulmans de Libye sont les plus visibles à cette époque, mais leur influence sur la société reste limitée. D’autres groupes cherchent à restaurer un ordre monarchique. Il s’agit notamment des dissidents laïcs du Front Libyen National du Salut, seule opposition au régime dans les années 1980, ainsi que du Mouvement Islamique. D’autres mouvements islamistes s’organisent comme le Parti de la Libération Islamiste ou le Parti de Dieu.

Des confrontations armées opposent les groupes islamistes aux forces de l’ordre en 1989. Des milliers de militants islamistes sont arrêtés et emprisonnés. La répression conduit à l’émergence de groupes encore plus radicaux dans les années 1990.

Toutefois, les islamistes n’ont jamais représenté une menace sérieuse pour le régime comme ce fut le cas en Algérie entre 1993 et 1996.

La faiblesse du mouvement islamiste est liée à la division entre les traditionalistes à l’approche pacifique et qui s’appuient sur des pressions sociales, comme les Frères Musulmans, et de l’autre, les groupes djihadistes des années 1990 qui font preuve d’une violence extrême.

Quel avenir pour l’islamisme au Maghreb ?

Le statut politique des islamistes varie selon les pays, en fonction de la nature du régime. Là où le pluralisme politique est respecté, les partis islamistes bénéficient d’un accès plus facile à la vie politique.16.

Là où ils le veulent et le peuvent, les islamistes sont amenés à en s’intégrer à la vie politique et de ce fait à modérer et à « professionnaliser » le contenu de leurs programmes ainsi que leur mode de fonctionnement.

Les islamistes parlementaires doivent en effet prendre en compte les attentes de leurs électeurs, qui cherchent davantage des améliorations que des bouleversements. Baser un programme politique sur la pure application de la loi divine ne suffit pas à convaincre leurs électeurs. Les islamistes sont donc confrontés à un dilemme. En rentrant dans le jeu politique, ils intègrent un cadre juridique et institutionnel qu’ils doivent respecter. A contrario, s’ils restent en dehors de la vie politique, ils doivent défendre un programme radical.

Ferrié considère que: les choix politiques des mouvements islamiques sont davantage conditionnés par les systèmes politiques en vigueur que par l’islam lui-même. La meilleure façon de modérer les mouvements islamistes serait de les intégrer et les faire participer au processus politique, et à la vie parlementaire.

Conclusion

Aucun pays du Maghreb ne satisfait complètement les critères de bonne gouvernance et de démocratie fixés par les bailleurs des fonds. L’analyse montre que la religion ne constitue pas le principal point d’achoppement qui empêche la mise en œuvre de ces exigences. L’islamisme constitue une forme spécifique de l’islam. Face à la montée en puissance de ce mouvement, les régimes des pays maghrébins ont réagi différemment.

L’Algérie a adopté une stratégie fluctuant entre la légalisation et la répression des islamistes. La Tunisie a fait le choix d’une modernisation autoritaire. Elle mène une politique répressive contre l’islamisme. Au Maroc, l’islamisme est largement toléré par le régime, sans pour autant être reconnu légalement. Enfin, les attentats du 11 septembre ont contraint la Libye à changer de position et à tenter de réintégrer la communauté internationale. La volonté affichée de la Libye de combattre les organisations terroristes lui fournit un solide argument de marketing politique pour normaliser ses relations avec les États-Unis et améliorer celles avec l’Europe.

Malgré les différences de traitement du phénomène islamiste, il existe aussi des points communs entre les pays. Dans les quatre cas, l’islamisme est considéré comme une menace qui pousse les dirigeants à ne pas légaliser ces partis.

La coexistence de l’islamisme et de systèmes politiques autoritaires pèse négativement sur la vie politique du Maghreb. Les régimes autoritaires ont utilisé l’islamisme pour poursuivre leurs propres intérêts tout en refusant de laisser les partis islamistes s’intégrer à la vie politique.

L’ouverture de la scène politique aux partis islamistes et leur participation à des élections libres et transparentes peut constituer un des moyens de dépasser les blocages actuels.

Notas de pie de página

1: Banque Mondiale, Table Ronde Maghreb-Tunis 24 et 25 mai 2005. siteresources.worldbank.org/INTTUNISIA/Resources/Genre+Enjeux.pdf

2: Jean Merckaert. « La dictature de la bonne gouvernance, ou l’impasse des indicateurs de performance politique ». Techniques financières et développement, juin 2004.

3: idem

4: Lewis, op.cit.

5: Pour introduire à la question des rapports entre islam et démocratie, nous prenons référence à Bernard Lewis, qui analyse très concisément et clairement la problématique. Bernard Lewis, Islam et démocratie, Fondation Saint-Simon, Paris 1993

6: encyclopedia.quickseek.com/index.php/Islamisme

7: Leveau, L’islam au Maghreb aujourd’hui, 2002.eduscol.education.fr/D0033/algerie_acteleveau.pdf

8:encyclopedia.quickseek.com/index.php/Islamisme

9: Lewis, op.cit..

10: encyclopedia.quickseek.com/index.php/Islamisme

11: Olivier Roy, Individu, communauté et société civile dans la reformulation religieuse de l’islam contemporain, 2001.

12: Le chapitre qui suit fait référence à l’analyse de Azziz Enhaili et Oumelkheir Adda, « Etat et islamisme au Maghreb », Middle East Review of Internaitonal Affairs, Volume 7, No. 1- March 2003

13: Autres groupes islamistes : le Groupe islamique armé (GIA), organisation armée dont le but est de renverser le gouvernement algérien pour le remplacer par un État islamiste ; l’Armée islamique du salut a combattu le gouvernement algérien de 1993 au 4 janvier 2000. Elle est issue du Front islamique du salut et en forme la branche armée. Elle s’est formée suite à l’interruption des élections algériennes à l’assemblée nationale de 1991 ; le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC), est un des derniers groupes armés d’Algérie. Il a été fondé en 1998 en GIA, qu’il trouvait trop violent.

14: encyclopedia.quickseek.com/index.php/Islamisme

15: H. Y. Zaoubir, « Libye : Islamisme radical et lutte antiterroriste ». Maghreb-Machrek, No. 84 été 2005. maghrebcenter.org/documents/Zoubir-IslamismLibye-1.doc

16: Ferrié, op. cit.

 


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