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La démocratie participative à Issy-les-Moulineaux

Etude sur les formes françaises de la démocratie participative réalisée par un groupe d’étudiants de Master de l’IEP Paris

Fecha de redacción de la ficha : mayo 2006

Por BRENDEL Verena, CONFAVREUX Marine, OBLED Loïc, PFLIEGER Joachim, SEGOL Julien, VEYRENC Thomas

L’objet de cette étude consiste à explorer les formes émergentes de démocratie participative en France et à déterminer notamment s’il est possible de parler aujourd’hui d’une « démocratie participative à la française » , à côté des expériences qui ont pu être menées depuis quelques années dans des villes d’Amérique latine telles que Porto Alegre. Il s’agit ainsi d’aller à la rencontre des acteurs de cette nouvelle forme de participation citoyenne en interrogeant des personnes situées aux divers échelons de ces structures de démocratie participative.

Présentation de la structure.

Les conseils de quartier ont été instaurés en avril 2002 à Issy-les-Moulineaux par la volonté du maire, Monsieur André Santini. En effet, la loi de Démocratie de Proximité ne s’applique qu’aux villes de plus de 80 000 habitants, or Issy-les-Moulineaux en compte un peu plus de 60 000. La création des conseils de quartier prend la relève des comités de quartier qui avaient été créés en 1997 par André Santini.

La ville d’Issy-les-Moulineaux a été découpée en 4 quartiers. Les conseils de quartier sont des organes de consultation, à la fois descendants (la mairie les sollicite) et ascendants (les habitants par le truchement du conseil de quartier formule une demande à la mairie).

Les deux innovations des conseils de quartier de Issy-les-Moulineaux résident dans la composition de ces conseils et dans leurs compétences (à savoir un « budget participatif » très important).

La composition des conseils de quartier : un conseil est composé de quatre collèges :

  • le collège des élus qui comprend le maire adjoint et deux conseillers municipaux, dont un de l’opposition.

  • Le collège des commerçants du quartier (4 personnes).

  • Le collège des habitants (4 habitants élus)

  • Le collège des associations (1 personne).

A ces collèges s’ajoutent les membres du Conseil communal économique et social, les membres du Conseil communal des Aînés, les membres du Conseil communal des Jeunes.

La spécificité réside essentiellement dans l’élection des habitants aux conseils de quartier. En 2002, il y eut une liste d’inscription : toute personne de plus de 18 ans habitant le quartier pouvait se présenter. Ces élections ont largement mobilisés à l’époque, et le vote s’est fait par en ligne sur Internet. Les conseillers de quartier sont élus pour 3 ans, les prochaines élections sont donc proches.

Les conseils de quartier se réunissent au moins 4 fois par an. Monsieur Bernard Prauthois insiste bien sur le fait que c’est là un minimum et qu’il ne s’agit là que des réunions des conseils de quartier : ces réunions ne sont pas ouvertes au public. En revanche, il existe des réunions publiques en supplément aux réunions du conseil de quartier. Les réunions de conseil de quartier se tiennent à huis clos pour assurer une plus grande efficacité, les réunions publiques étant faites pour discuter et informer.

  • Un « budget participatif » important.

La tâche essentielle des conseils de quartier est le vote du budget participatif : celui-ci comprend un budget d’investissement de 152 000 euros par an et par quartier, et un budget de fonctionnement de 15 000 euros par quartier et par an.

L’ordre du jour est fixé par la directrice des conseils de quartier, mais le Président de chaque conseil de quartier et le maire adjoint sont consultés. Après discussion et l’avis des services techniques, les conseillers de quartier votent à main levée les décisions d’investissement.

Bien sûr, chaque projet est soumis à une enquête de faisabilité par la mairie d’Issy-les-Moulineaux. Pour autant, les conseils de quartier, selon Bernard Prauthois et Madame Emmanuelle Gilliand, sont de vrais lieux de discussion, et jouissent d’un droit réel de refus des projets. Ce n’est pas la mairie qui impose ces projets : le budget participatif est conçu comme une enveloppe libre, même si, en dernier ressort, le conseil municipal peut avoir le dernier mot, les décisions de budget participatif sont tranchés lors des conseils de quartier.

Les actions financées par le budget participatif de chaque quartier concernent des aménagements de voiries, de parcs et de jardins. Cela concerne également l’accessibilité des personnes handicapées et les commerces de quartier.

Au niveau de l’information, une page entière dans le Journal mensuel d’Issy-les-Moulineaux (Point D’Appui) est consacrée à la vie de quartier. Dans le numéro de mai 2005, on y trouve notamment un retour sur les conseils de quartier qui se sont déroulés le mois précédent. Cette page annonce également le programme pour le mois en cours ou les mois à venir. Le site Internet de la Mairie explique le fonctionnement des conseils de quartier et de la démocratie locale à Issy-les-Moulineaux. Des réunions publiques et des stands se tiennent chaque année pour expliquer aux habitants de la ville ce que sont et font les conseils de quartier. Enfin, les conseillers de quartier devraient également jouer un rôle de relais entre le conseil de quartier et les habitants : il semble que cela soit encore une des faiblesses actuelles.

Perceptions de la structure

L’objectif affiché de l’adjoint au maire est de maintenir par les conseils de quartier un dialogue permanent avec les habitants. Même si les habitants de la ville découvrent peu à peu les conseils de quartier après trois ans de fonctionnement, les conseils semblent jouir d’une réelle autorité. Le but est d’avoir l’avis de ceux qui vivent sur le terrain, de ceux qui vivent au quotidien dans un secteur. L’élu et la mairie ne connaissent pas forcément la vie au quotidien de tous les quartiers de la ville. Seuls les habitants ont l’expertise nécessaire pour ce qui est des projets et des aménagements qui touchent leur quotidien.

En ce sens, il est important pour la mairie d’avoir « l’information vraie » des citoyens et des habitants de la ville. Aussi les conseils de quartier facilitent-ils la réponse aux attentes des habitants.

Le budget d’investissement permet aux conseils de quartier de mener à terme des projets importants d’aménagement. Monsieur Bernard Prauthois concède qu’il s’agit d’ « un surplus » , de « demandes sans urgence » . Mais le conseil de quartier a une autre finalité, qui est de « réveiller dans les deux sens » , de réveiller les habitants et la mairie aux problèmes de la ville.

Le mérite du budget participatif est d’éveiller les habitants à l’intérêt général du quartier. Même les conseillers de quartier se représentent bien souvent eux-mêmes ou représentent le micro quartier dans lequel ils vivent, il n’empêche que le vote du budget implique une prise de conscience de l’intérêt de tout un quartier, de l’intérêt général. Le budget a permis de créer un dialogue de qualité au sien des conseils de quartier.

La composition des conseils de quartier jouent un rôle important, un rôle de pédagogie : en particulier, la présence de jeune de 16/17 ans au conseil de quartier donne une autre envergure aux débats, et oblige les plus âgés à s’engager davantage ou à sortir de leurs immobilités.

Un des points sur lesquels insistent les deux personnes interrogées est le caractère a-politique des débats. Le conseil de quartier n’est ni le lieu de batailles politiques ni le lieu de cristallisation de l’opposition. « La couleur politique n’a rien à faire ici » déclare Bernard Prauthois.

Toutefois, les deux personnes interrogées regrettent le manque de communication des conseillers de quartier, entre les conseillers de quartier et les habitants. D’autre part, l’habitant de Issy-les-Moulineaux « n’a peut-être pas encore compris que le conseil de quartier ne va pas régler ses problèmes de poubelle » . C’est l’un des enjeux à l’avenir. D’autre part, Monsieur Bernard Prauthois voudrait voir plus de jeunes s’impliquer dans les conseils de quartier car la vie d’un quartier est une question de lien entre les générations.

Analyse de la structure.

L’importance du budget d’investissement semble réellement éveiller un « dialogue de qualité » , selon l’expression de Madame Emmanuelle Gilliand. En ce sens, les conseillers de quartier tentent de déterminer leurs projets d’aménagements en fonction de l’intérêt commun de tout un quartier sans rester concentré sur leurs intérêts propres. Un projet de rénovation d’un escalier de la gare d’Issy-les-Moulineaux illustre le souci des conseillers de quartier d’œuvrer pour l’amélioration du quotidien de tous les Isséens.

Le cas d’Issy-les-Moulineaux semble réellement intéressant dans la mesure où la mairie s’est attachée à ce que les conseils de quartier ne se bornent pas aux problèmes de démocratie micro-locale (les questions de propreté et de crottes de chien…) afin de s’intéresser à des projets d’envergure comme ceux de l’aménagement urbain et de la rénovation des espaces verts. La mairie fait ainsi une nette distinction ente les compétences des différents services de la mairie qui sont là pour règle efficacement certains problèmes (comme ceux de la propreté et des déjections canines) et les compétences des conseils de quartier. D’autre part, la distinction est faite entre la vie des quartiers (un service spécifique de la mairie s’occupe d’animer la vie entre les habitants, et de préparer fêtes et dîners de quartier) et les conseils de quartier dont l’objectif est de voter le financement de projets importants en fonction de l’enveloppe libre qui leur est allouée.

 

Ce qui nous a le plus frappé, c’est bien sûr l’importance de l’enveloppe allouée à chaque conseil de quartier pour l’investissement comme pour le fonctionnement : on peut peut-être l’expliquer par la détermination du maire André Santini qui a lancé les comités de quartier dès 1997. D’après Monsieur Bernard Prauthois, l’intérêt d’André Santini témoigne d’un intérêt ancien pour les formes de démocratie participative dans les pays du Sud et au Brésil en particulier. Toutefois, les deux personnes que nous avons interrogées disent ne pas s’inspirer d’autres exemples de démocratie locale ; ils ne prétendent pas non plus faire œuvre de prosélytisme en vantant les réussites de leur ville en matière de conseils de quartier. En ce sens, les réalisations concrètes de démocratie participative ne s’importent ni ne s’exportent.

De plus, la ville d’Issy-les-Moulineaux (un peu plus de 60 000 habitants) ne tombe pas sous le coup de la loi de Démocratie de Proximité. La mairie jouit donc d’une plus grande liberté dans la mise en œuvre des conseils de quartier et dans leur fonctionnement. La ville d’Issy-les-Moulineaux est également très dynamique économiquement : il y a en effet plus d’emplois à Issy-les-Moulineaux qu’il n’y a d’habitants. Ce qui pourrait expliquer l’importance des budgets alloués aux conseils de quartiers. Aussi sommes-nous enclins à considérer que la structure socio-économique de la population d’une ville joue un rôle moteur dans le dynamisme des conseils de quartier et dans le choix des projets. De notre enquête, il ressort en effet que les projets réalisés sont des « demandes sans urgence »  ; les questions sociales notamment ne sont pas une priorité.

Notas de pie de página

Personnes interrogées :

  • Monsieur Bernard Prauthois, adjoint de Monsieur A. Santini, maire de Issy-les-Moulineaux, en charge des conseils de quartiers.

  • Madame Emmanuelle Gilliand, directrice des conseils de quartier de Issy-les-Moulineaux.

 

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