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ficha de análisis
La démocratie participative dans le 4ème arrondissement de Paris, quartier de Saint-Gervais
Etude sur les formes françaises de la démocratie participative réalisée par un groupe d’étudiants de Master de l’IEP de Paris
Fecha de redacción de la ficha : 05- 06
Par BRENDEL Verena, CONFAVREUX Marine, OBLED Loïc, PFLIEGER Joachim, SEGOL Julien, VEYRENC Thomas
L’objet de cette étude consiste à explorer les formes émergentes de démocratie participative en France et à déterminer notamment s’il est possible de parler aujourd’hui d’une « démocratie participative à la française » , à côté des expériences qui ont pu être menées depuis quelques années dans des villes d’Amérique latine telles que Porto Alegre. Il s’agit ainsi d’aller à la rencontre des acteurs de cette nouvelle forme de participation citoyenne en interrogeant des personnes situées aux divers échelons de ces structures de démocratie participative.
Description de la structure
Les statuts du Conseil de quartier de Saint-Gervais, l’un des quatre conseils du 4° arrondissement de Paris, sont fixés par une Charte dont la dernière version date de septembre 2004. Le nombre de ses conseillers est fixé à trente-neuf, répartis en trois collèges. Dans le premier collège, onze candidats, dont un(e) ressortissant(e) extra-communautaire, sont tirés au sort après un large appel à candidature. Six autres sont tirés au sort sur les listes électorales dont deux ressortissants de l’Union Européenne. Le deuxième collège est composé de treize membres dont neuf sont proposés par la majorité du Conseil d’Arrondissement tandis que quatre le sont par la minorité. Enfin, le dernier collège est constitué de neuf membres proposés par le Maire parmi les personnes représentatives de la vie associative, culturelle, économique et sociale du quartier. Madame la Maire, Dominique Bertinotti, est présidente de droit du Conseil de Quartier, assistée par Jean Lhopital, son adjoint en charge de la démocratie locale et participative. Cependant, ils ne participent pas aux votes. Le conseil est renouvelable par tiers tous les deux ans.
Le Conseil de Quartier de Saint-Gervais, créé par Mme la Maire en octobre 2001 avant même la loi Vaillant rendant leur mise en place obligatoire, organise deux réunions publiques par an. En revanche, les conseillers de Saint-Gervais ont décidé que leurs réunions de travail qui ont lieu tous les mois, ne seraient pas ouvertes au public afin que le débat ne soit pas parasité par des interventions non pertinentes. Face à des problèmes d’absentéisme et par conséquent de représentativité, une nouvelle règle a été instaurée avec la charte de 2004: « En cas de démission ou d’absences non excusées à plus de quatre séances, il est procédé, pour la durée du mandat restant à couvrir, à la désignation d’un nouveau conseiller-ère en fonction de son collège d’appartenance » (art 8).
La hiérarchie au sein du Conseil de Saint-Gervais est souple. Détail amusant relevé par l’un des conseillers interrogés: chacun ignore même le plus souvent de quel collège les autres conseillers sont issus. Composé d’une présidence, d’un secrétariat et d’un bureau, le Conseil décide le plus souvent par consensus mais vote les décisions concernant le budget. Il se répartit le travail en commissions de deux ou trois conseillers qui décident de s’impliquer davantage sur un dossier particulier. Chaque Conseil de Quartier est doté d’un budget de fonctionnement de 3000 euros par an non cumulable et d’un budget d’investissement de 8000 euros par an reportable d’une année sur l’autre.
Objectifs et réalisations
D’une manière générale, le Conseil de Quartier de Saint-Gervais poursuit un triple objectif en commun avec les autres Conseils: mieux représenter les habitants et faire remonter des propositions venant des habitants vers la mairie, inversement, donner un avis sur des projets présentés par la mairie par exemple sur le Plan Local d’Urbanisme, les questions de propreté ou de sécurité, et enfin assurer l’animation de la vie du quartier (fêtes, expositions…).
Plus concrètement, le Conseil de Quartier de Saint-Gervais possède à son actif plusieurs réalisations, comme par exemple la restauration d’emplacements pour des bancs publics, la participation au Plan Local d’Urbanisme (PLU), l’élaboration du contrat de propreté et du contrat de sécurité d’arrondissement, des marches exploratoires pour relever le manque des places de stationnement des deux roues ou encore l’aménagement de la rue des rosiers et de l’impasse du Trésor. Ce dernier projet est un franc succès pour le Conseil puisqu’il a abouti, après trois ans de négociation acharnée, à la signature d’une charte par les habitants et les propriétaires des différents bars et restaurants, les uns s’engageant à respecter les horaires d’ouverture des bornes pour la circulation de leurs véhicules tandis que les seconds acceptent de fermer les portes de leur établissement passée une certaine heure pour diminuer le volume sonore dans la rue. La présidente du Conseil de Saint-Gervais a insisté à plusieurs reprises sur l’importance de travailler sur des problèmes concrets : « Nous n’avons aucune légitimité politique, nous sommes un organe purement consultatif. Donc si nous voulons être crédibles pour défendre un dossier, il nous faut être très concrets, très pratiques et ne pas nous engager dans des polémiques » .
Les différentes perceptions de la structure aux divers échelons de la structure:
Tous sont unanimes : le Conseil de Quartier de Saint-Gervais est un lieu de proposition, de réflexion et de coopération entre les habitants et la mairie. Ce n’est pas du tout une caisse de résonance de l’opposition politique ni un levier de blocage. Cependant, si pour le membre du cabinet de la mairie, l’indépendance du Conseil est respectée, certains conseillers soulignent de leur côté qu’il peut y avoir de temps à autres des tentatives d’instrumentalisation du Conseil par la mairie, lesquelles ne sont d’ailleurs pas forcément néfastes.
L’avantage perçu par les membres de la mairie est d’aboutir à des décisions plus pertinentes, mieux informées à l’issue d’une réelle concertation, plus durables et mieux acceptées politiquement. « Cela évite une confrontation classique habitants/commerçants » , comme l’ont résumé certains. Cette forme de démocratie participative permet également une utilisation plus fine du budget et accroît la transparence des processus décisionnels. Selon un membre du cabinet de Mme la Maire, s’exprimant sans aucun regret d’ailleurs: « L’habitude est prise désormais et on ne pourra pas revenir aux anciens modes de prises de décisions unilatéraux » . La mairie ne peut plus se permettre de décider seule un projet d’aménagement du quartier. Les remous provoqués par l’aménagement des terrasses de la place du Bourg-Tibourg qui a été décidé en court-circuitant totalement le Conseil de quartier en donne un parfait exemple. Le mode de décision d’hier est aujourd’hui taxé par les habitants de véritable « déni démocratique » . C’est là que l’on voit que la démocratie participative a tout de même fait son chemin en France.
Du point de vue des conseillers, cette forme de démocratie permet un autre mode de représentation des habitants, permettant à ces derniers de « s’impliquer et de prendre en main leurs problèmes » selon les propres mots d’un conseiller.
Mais la présidente du Conseil reconnaît que leur tâche est parfois ingrate. Certains conseillers peuvent s’investir énormément sur un dossier et formuler des propositions très pertinentes et représentatives de l’opinion des habitants, mais c’est la mairie qui in fine prendra les décisions et ne retiendra pas forcément la solution du Conseil. La présidente admet d’ailleurs que le fait de travailler dans le Conseil lui a fait prendre conscience des jeux de pouvoirs et des contraintes politiques et administratives auxquelles sont soumis les élus au cours du processus décisionnel et dont les habitants ne sont souvent pas conscients. La présidente perçoit d’ailleurs son rôle au sein du Conseil comme un « liant qui mène les débats, prend tous les rendez-vous, prépare les réunions, essaye de faire émerger des idées nouvelles et fait en sorte que tout se passe bien » . Il semble donc que la démocratie participative puisse accroître la compréhension mutuelle des différents acteurs.
En contrepartie, il est certain que cette forme d’action nécessite plus de temps et d’énergie. Les habitants ont parfois aussi du mal à comprendre que la mairie du quatrième arrondissement (incluant entre autres un quartier au combien historique qu’est le Marais) n’est pas totipotente et doit également composer avec d’autres structures propres à la capitale, comme le STIF, les Monuments Historiques (Bâtiments de France) et la préfecture, ce qui peut engendrer parfois incompréhension et découragement. D’autre part, de l’avis de certains conseillers, trop de gens ne perçoivent les conseils de quartier que comme une courroie de transmission pour leurs problèmes individuels, « sans voir que l’intérêt général du quartier n’est pas la somme des intérêts particuliers » . Certains conseillers regrettent également l’espacement trop important des réunions (une fois par mois) et souhaiteraient que la mairie intensifie encore davantage les réunions d’explication et de communication avec les habitants.
Analyse de la structure et commentaires
Force est de reconnaître que la démocratie participative prend du temps et n’intéresse encore qu’une minorité d’habitants. Preuve en est que le mode de désignation initial des membres du premier collège (tirage au sort sur listes électorales uniquement) a dû être révisé en 2004 face à un absentéisme conséquent. En outre, l’implication et le temps consacré par chaque conseiller varient de façon très significative. Certains ne font qu’assister aux réunions de travail, tandis que d’autres se portent volontaires pour distribuer les tracts, effectuer des marches exploratoires pour pointer les emplacements des poubelles ou de stationnement des deux roues, ou encore travailler en étroite coopération avec les services de la Ville sur un projet d’aménagement.
Il y a également un problème persistant d’information des citoyens, même si des efforts considérables ont été faits par la mairie et les conseillers de quartier pour communiquer davantage par le biais de l’affichage et du site internet. Le Conseil de Saint-Gervais souhaite remédier à ce problème notamment en lançant un journal trimestriel rassemblant les actions des quatre conseils de quartier du IV°. La maquette est en cours d’élaboration. Par ailleurs, certains conseillers essayent de lancer un bulletin d’information santé intitulé « Quartiers-Santé. Médecine dans la ville - notre santé aujourd’hui et demain » mais se heurtent pour le moment à des oppositions au sein du conseil de quartier.
Par ailleurs, il n’y a pas (encore ? ) d’échanges de pratiques et d’expériences avec d’autres structures similaires en France, et encore moins à l’étranger. Cependant, il semble qu’une réelle communication s’instaure peu à peu avec les trois autres conseils de quartier du IV° arrondissement et que s’amorce un réseau d’échange avec les autres conseils de Paris via l’Observatoire de la démocratie locale de la Ville de Paris et des manifestations comme le Printemps de la démocratie qui s’est conclu cette année à Bercy.
D’une manière générale, le Conseil de Quartier de Saint-Gervais nous semble une structure relativement efficace de relais entre les décisions de la mairie et les habitants, faisant transiter les informations verticalement dans les deux sens. Certains conseillers que nous avons rencontrés ont vraiment à cœur d’aller à la rencontre des habitants, de leur communiquer les actions du conseil et de la mairie, de recueillir leurs avis et de représenter leurs opinions lors des réunions. D’autres conseillers en revanche nous semblent davantage s’impliquer pour participer à la vie de leur quartier et défendre leur propre intérêt. Tout l’enjeu de la démocratie participative est bien évidemment de savoir dans quelle mesure les « participants » sont représentatifs.
De plus, nous avons été frappés par l’atmosphère de coopération qui règne dans ce conseil. Les membres du premier collège que nous avons interviewés étaient de sensibilités politiques les plus diverses, allant du PC à l’UMP, et pourtant, tous ont insisté sur la neutralité politique des réunions de travail et des débats en général. Pour autant, le Conseil de Saint-Gervais nous paraît loin d’être une simple marionnette légitimant davantage les décisions de la mairie. Les avis des conseillers sont réellement écoutés, même s’il est clair que le pouvoir de décision appartient in fine aux élus. La démocratie participative complète et enrichit la démocratie représentative, à aucun moment elle ne la remplace. Prenons un exemple précis : l’aménagement du terre-plein de Saint-Paul (sortie de métro au milieu de la rue de Rivoli). Dans ce projet, le cabinet d’architectes, soutenu dans ses positions par la mairie, est en désaccord avec la majorité du Conseil de Saint-Gervais. La décision est en cours de renégociation et les conseillers sont écoutés car les élus sentent bien que ce sont eux qui ont l’expérience quotidienne du terre-plein.
Ainsi, l’émergence de cette forme de démocratie participative représente une véritable révolution des mentalités, pour la maire, pour les habitants (même si tous ne sont pas au courant de l’existence des conseils) mais peut-être encore davantage pour les services de la ville qui doivent désormais véritablement travailler avec les habitants. Cette forme de démocratie semble donc nécessiter une forme d’apprentissage et d’éducation de la part des différents acteurs. Pour reprendre une phrase d’un membre du cabinet de Madame la Maire, « au début, il a fallu mettre les choses au clair, car certains conseillers se voyaient déjà maires de leur quartier. Les conseillers ont dû apprendre à se positionner » . Ce processus d’apprentissage est progressif, comme le prouve le fait que jusqu’à présent, le Conseil de Saint-Gervais n’a pas utilisé son budget d’investissement et cumule les sommes avant de trouver un projet de plus grande ampleur à financer. La question d’un éventuel budget participatif tel qu’il a pu être expérimenté à Porto Alegre par exemple, n’est d’ailleurs absolument pas à l’ordre du jour et ne semble même pas avoir traversé l’esprit de la plupart des personnes que nous avons interrogées.
Fichas :
Personnes interrogées:
Monsieur Aymeric Bogey, Conseiller au cabinet de Mme la Maire, Chargé de la Démocratie locale et de la communication,
Madame Odile Berardo, présidente du Conseil de Quartier de Saint-Gervais,
Monsieur Yvon Debest, Conseiller membre du premier collège,
Monsieur Jean Rincé, Conseiller membre du premier collège.
Les entretiens se sont déroulés entre le 27 mai et le 23 juin 2005.