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Démocratie forte

Autor : Benjamin BARBER

Par Pierre-Yves GUIHENEUF

Il faut faire la différence entre le libre marché et une société libre, rappelle l’auteur dans sa préface à l’édition française de ce livre, paru aux Etats-Unis en 1984 sous le titre Strong Democracy. Participatory Politics for the New Age (The Regents of University of California). Des institutions politiques fortes sont l’outil essentiel de la société civile contre les pouvoirs mercantiles, le consumérisme et l’hégémonie culturelle. C’est aussi un rempart contre l’éclatement de la société et la désagrégation du lien social.

La démocratie doit être forte pour assurer la liberté des individus et encourager entre eux l’exercice des solidarités. Mais une démocratie forte, ce n’est pas un pouvoir fort : c’est une démocratie dans laquelle le pouvoir est détenu par les citoyens, réparti de façon à ce qu’il soit enraciné dans les pratiques quotidiennes et impossible à confisquer par quiconque. Cette conception s’oppose à l’idéologie libérale qui propose une conception faible de la démocratie, si faible qu’elle est contrainte d’avoir recours à l’autorité, au centralisme et à la violence pour maintenir sa cohérence.

Le libéralisme : une démocratie faible

Le libéralisme est une théorie "faible" de la démocratie, basée sur la seule légitimité de la défense de l’intérêt privé, au service exclusif de l’individualité. Elle s’enracine évidemment dans l’histoire de la pensée philosophique et politique occidentale. Elle tire notamment ses inspirations de l’anarchisme, qui en constitue le pendant politique et qui postule que la finalité de toute organisation collective doit être de laisser à chacun de ses membres autant de liberté « qu’auparavant » . Pour les anarchistes comme pour les libéraux, la liberté individuelle et l’autorité gouvernementale sont mutuellement exclusives. Le libéralisme trouve également sa justification chez ceux qui estiment d’une part, que, comme le préconisait Machiavel, tout pouvoir est nécessairement basé sur la crainte et la coercition, et d’autre part que ce pouvoir est nécessaire pour éviter l’anarchie. Pour eux, il n’y a pas de demi-mesure entre l’autoritarisme absolu et la permissivité et c’est pour cette raison qu’ils entretiennent, à l’intérieur d’un même système politique, toutes sortes d’antagonismes rigides, en particulier le recours à l’autorité et la défense de la liberté.

La démocratie libérale, c’est aussi une vision minimaliste de l’homme et de la société, la conviction que le pouvoir est nécessaire mais qu’il est tout aussi nécessaire de le circonscrire pour en éviter les abus. En effet, le libéralisme repose sur une conception des individus comme des êtres animés par la satisfaction de leurs besoins matériels et par la recherche de leur sécurité, trop concurrents pour vivre une solitude paisible et trop soupçonneux les uns envers les autres pour nouer des relations de réciprocité. Dans cette vision simpliste de la société, qui assimile le monde à une jungle et les individus à des animaux prêts à s’entredévorer, l’Etat est une sorte de gardien de zoo et la politique une façon, regrettable mais nécessaire, de définir sa mission. Mais le gardien est lui-même issu de cette zoologie politique et la démocratie libérale se trouve rapidement aux prises avec ce dilemme : qui garde le gardien ? Autrement dit, si la liberté n’existe pas sans pouvoir politique pour canaliser les égoïsmes et assurer le respect des lois minimales assurant la coexistence des hommes, comment éviter que cette autorité confiée à l’Etat ne tue la liberté qu’elle est sensée protéger ?

De ces fondations précaires, nulle théorie durable alliant citoyenneté, participation, intérêt public ou vertu civique ne peut émerger. Les pathologies de l’ère politique moderne - toutes les formes de totalitarisme - sont les fruits de ces insuffisances plutôt que ceux de l’habileté de ses opposants.

La participation citoyenne : une démocratie forte

La démocratie forte est une forme moderne de démocratie participative. C’est une société gouvernée par ses citoyens, non par le gouvernement qui les représente. Elle repose sur l’idée d’une communauté autogérée de citoyens unis par leur éducation (plus que par une supposée convergence d’intérêts), mis en condition d’établir des objectifs et des actions en commun au nom d’une vision civique de la société (plus qu’en fonction de leur altruisme ou de leur bonne nature), grâce à des « institutions » (comprises dans le sens général d’organisations collectives, une association étant comprise ici comme une forme d’institution) favorisant la participation.

Une communauté privée de participation ne fait qu’ouvrir la porte au collectivisme. Une participation sans communauté est synonyme d’individualisme auquel on donne un air de démocratie. Mais la dialectique entre participation et communauté n’est pas facile à institutionnaliser. L’action civique individuelle (la participation du citoyen) et l’association publique (la communauté) se réfèrent à deux mondes différents : d’un côté, celui de l’autonomie et de l’action, de l’autre, celui de la sociabilité et de l’interaction. Conjuguer l’individuel et le collectif est une tâche difficile pour les institutions.

Pour répondre aux enjeux de la démocratie forte, les institutions doivent répondre à certains critères : elles doivent être fonctionnelles, c’est-à-dire inspirées par l’expérience politique concrète, et compatibles avec les institutions existantes ; elles doivent prévenir les abus éventuels d’une majorité gouvernant au nom de la communauté, protéger les individus et les minorités ; elles doivent dépasser les obstacles à la participation (problèmes d’échelle, technologie, complexité structurelle, esprit de clocher)afin de mettre en œuvre un gouvernement de citoyens qui remplacera l’État des professionnels.

Le dialogue politique

« "J’écoute" n’implique pas que je cherche la faille dans le discours de mon adversaire, ou le moyen d’extorquer un arrangement, ni que je le laisse poliment exprimer son avis. "J’écoute" signifie que je vais essayer de me mettre à sa place, tenter de le comprendre, m’efforcer de saisir ce qui nous est commun en gardant à l’esprit notre intérêt mutuel » . Pour Benjamin Barber, le dialogue politique s’appuie autant sur l’écoute que sur la parole et il est autant affectif que cognitif. Dans la partie « Citoyenneté et participation : le politique est une épistémologie » (pages 185 à 224), il précise la notion de dialogue politique en mettant d’abord l’accent sur ces deux caractéristiques : écoute et dimension affective.

L’écoute : beaucoup de démocrates libéraux assimilent le dialogue à la parole, alors que sa portée et son but dépassent le domaine de la réflexion pour s’engager dans le champ de l’action. L’écoute est un art qui favorise l’empathie et le rapprochement. Dans un dialogue, le silence est aussi précieux que le bruit.

L’affectif : la parole ne peut pas être emprisonnée dans la raison, elle est médiatrice d’affection et d’affiliation, elle construit une communauté entre les hommes et ne se résume pas à l’expression des intérêts de chacun.

Un dialogue démocratique possède les fonctions suivantes :

1. Formulation des intérêts, marchandage et échanges. C’est la fonction principale du langage dans le système de pensée libéral. Elle consiste à exprimer, souvent de manière quantitative, les intérêts personnels des individus.

2. Persuasion. Persuasion et rhétorique permettent de faire accepter aux autres la légitimité de son intérêt propre. Réduire le langage à cette notion, cela revient à faire l’économie d’une réflexion sur l’intérêt général et sur l’altruisme. Si on considère que le langage est seulement persuasion et argumentation, on postule que chaque individu a d’abord pour objectif de défendre son intérêt particulier. C’est de fait la fonction qu’adopte le représentant institué d’un groupe lorsqu’il s’en fait le porte-parole.

3. Etablissement de l’agenda politique. Cet agenda est souvent le domaine réservé des élites, mais il peut également faire l’objet d’un dialogue politique. Par agenda, on n’entend pas seulement le fait d’établir un calendrier, mais aussi de définir les questions à traiter, de les formuler et de préciser la façon dont on les abordera. Faire des choix entre des options définies par avance n’est pas suffisant en matière de participation citoyenne, il faut aussi contribuer à définir les questions pertinentes à traiter et la manière de les aborder.

4. Recherche d’une mutualité, c’est-à-dire d’une compréhension mutuelle. Il ne faut pas réduire le dialogue à un marchandage. Le langage sert également à affirmer des proximités. Il faut, à ce niveau, s’affranchir de l’exigence de précision et d’objectivité du discours, laisser opérer la subjectivité et l’affectif, pour permettre l’expression de visions opposées du monde, leur rencontre et la recherche de convergences.

5. Reconnaissance et affection. La tonalité du langage permet d’exprimer des affections et des sentiments, ce qui est un préalable à l’empathie. Il n’est pas de lien social plus fort que celui créé par l’empathie car celle-ci invite au consensus, au sentiment d’appartenance commun, à la recherche de solutions nouvelles. C’est une condition nécessaire au passage du « moi » défini par l’intérêt privé au « nous » civil, propice à l’action politique commune.

6. Maintien de l’autonomie. Le dialogue doit avoir pour fonction de sortir du cadre étroit des intérêts particuliers mais il doit également renforcer l’autonomie de pensée et la volonté des individus, qui sont essentielles à la démocratie. Le dialogue doit donc permettre à chacun de se forger une conviction propre et non pas de se fondre dans un consensus impersonnel qui pourrait, à la longue, tendre au dogmatisme.

7. Ecoute et expression. Se rallier à une opinion générale ne signifie pas trahir ses convictions : il est parfois nécessaire de le rappeler et il est toujours sain de l’exprimer. L’une des fonctions du dialogue est donc de permettre l’expression de défiances ou de désaccords, même si les personnes concernées décident de se soumettre à l’avis de la majorité ou de concéder un compromis. Le fait de dire « Malgré tout, je crois que… » est important : le but de n’est pas de s’épancher ou de se défouler, mais de marquer la possibilité d’accords même en présence d’une hétérogénéité d’opinions. Ce type de remarque a une valeur pédagogique forte dans un dialogue démocratique.

8. Reformulation et reconceptualisation. Le nom donné aux choses affecte la vision que nous en avons. Le fait de les qualifier permet donc de porter sur elles un jugement. Il ne faut pas laisser aux élites l’exclusivité du pouvoir de nommer et par là même de qualifier les situations, les problèmes et les événements. Renommer, chercher les expressions qui conviennent à tout le monde fait partie d’un travail de dialogue.

9. L’institution d’une citoyenneté active. Le dialogue est donc un outil puissant de création d’une collectivité, de conception de son futur et de définition de ses conditions d’existence. Reste à définir ce qu’est une collectivité, ce qui est public et quelle peut être la relation politique entre le bien commun et l’ensemble des intérêts particuliers. C’est là l’objet de la partie suivante.

Propositions

Dans la partie « Réalités présentes, des institutions démocratiques fortes au service du monde moderne » (pages 275 à 329), Benjamin Barber énumère un certain nombre de propositions concrètes destinées à faire naître et fonctionner des institutions répondant aux caractéristiques suivantes :

  • elles doivent être fonctionnelles, c’est-à-dire qu’elles doivent s’inspirer de l’expérience politique concrète ;

  • elles doivent être compatibles avec les institutions représentatives de la société, se substituer progressivement aux institutions libérales en cohabitant un moment avec elles ;

  • elles doivent tenir compte de la peur de l’irréalisme, de l’uniformité et de l’intolérance qui est attachée aux aspirations collectives de la participation citoyenne. Elles doivent protéger les individus et les minorités, prévenir les abus de la majorité ;

  • elles doivent apporter des réponses concrètes aux freins à la participation : esprit de clocher, centralisme, complexité structurelle, etc. ;

  • elles doivent mettre en œuvre un gouvernement des citoyens qui remplacera l’Etat des professionnels.

Afin d’institutionnaliser un débat démocratique fort, voici quelques exemples de réalisations :

1. Assemblées de quartier ou de voisinage

Il en existe plusieurs exemples, notamment aux Etats-Unis. Leur objectif n’est pas d’exercer un pouvoir ou de dicter une politique, mais d’en réunir les conditions préalables en instillant une compétence civique. Elles peuvent contribuer de façon significative à la gestion et à l’administration locales. De telles assemblées peuvent compter entre cinq mille et vingt-cinq mille habitants. Elles permettent de débattre de problèmes locaux ou régionaux et se réunissent pour cela régulièrement. Elles permettent également de recueillir des doléances. En fonction de leur développement, elles peuvent se doter progressivement de compétences plus étendues et prendre la forme d’assemblées législatives locales où sont établis des règlements dans les domaines où la localité est compétente.

Ces assemblées ont besoin d’un local spécifique et peuvent se doter d’un « guide démocratique » , une personne chargée d’animer les débats, de protéger les droits des silencieux et de calmer les agressifs. Cette fonction est différente de celle de président et de secrétaire.

Les citoyens participent-ils à de telles assemblées, occupés qu’ils sont par leurs multiples activités ? En fait, s’ils sont apathiques, c’est parce qu’ils sont impuissants et non l’inverse. Dotés d’un réel pouvoir, ils ne refusent pas de participer. L’expérience prouve qu’une réelle participation entraîne plus de participation.

2. Assemblées télévisées et Coopérative civique des communications.

Des assemblées organisées seulement sur un plan local ne feraient que diviser les régions et les pays. C’est pourquoi il faut organiser des forums régionaux et nationaux. Les nouvelles communications (télévisions, internet…) sont des supports potentiels de la vie civique. On peut imaginer par exemple utiliser des boîtiers électroniques à domicile pour organiser des votes à l’issue de débats télévisés.

Pour stimuler et réglementer l’usage de ces techniques, il serait nécessaire de créer une Coopérative civique des communications (CCC), structure indépendante créée par l’Etat qui aurait la charge d’organiser un dialogue public interactif en proposant des réformes législatives à ce sujet, en assurant la couverture vidéo d’événements civils, en prévenant tout abus (fichage, etc.) et en faisant connaître les expériences positives.

Il existe plusieurs expériences récentes d’utilisation de la télévision dans l’organisation de débats télévisés, mais la communication est souvent alors conçue comme verticale. Elle permet rarement aux citoyens de créer des échanges « horizontaux » entre eux, ce qui est pourtant l’aspect le plus démocratique du système.

3. Education civique et accès pour tous à l’information

Un système de subvention des services postaux en matière de publications éducatives dans le domaine civique. Un système de vidéotex national, interactif, permettrait de faciliter pour tous l’accès à l’information civique, permettrait d’obtenir des données et d’aborder toutes sortes de sujets.

4. Fonctions tournantes

Plusieurs innovations pourraient être mises en place , comme la mise en place d’une représentation « tournante » lors des réunions municipales : les citoyens participant peuvent être tirés au sort et leur présence faire l’objet d’une rotation, de façon à ce que chacun fasse l’expérience d’une participation à la vie civique.

Le même principe peut s’appliquer à certaines fonctions officielles, par exemple dans les administrations locales : conseils municipaux, comités d’urbanisme, services de voirie, d’enseignement ou de distribution d’eau…

Cette démocratisation peut également concerner la justice civile et pénale. Il existe plusieurs expériences mettant en scène des jurys composés de non professionnels. La médiation peut également s’exercer dans ce cadre.

5. Initiative populaire et référendum

Les processus d’initiative populaire et de référendum sont souvent utilisés pour les enjeux locaux, sauf dans quelques pays comme la Suisse qui les met en œuvre à l’échelle nationale. La crainte d’une manipulation des masses par une élite avisée appuyée par des medias complaisants limite ce genre d’initiative, mais l’expérience montre que cette crainte est rarement fondée. En outre, cette réticence pourrait s’appliquer à n’importe quel vote démocratique. Les référendums ont un intérêt certain, qui est de donner le goût de la responsabilité et de susciter l’intérêt pour les débats publics.

Un référendum démocratique peut se baser sur une procédure multi-choix et non pas se résumer à une alternative entre le oui et le non. Même lorsqu’il s’agit de faire un choix entre deux termes, il est possible d’argumenter sa réponse de différentes manières, en cochant des cases correspondant à des options prédéterminées. Cette procédure permettrait de donner des indications politiques plus fines sur l’opinion des citoyens en évitant d’agréger les votes de ceux qui se retrouvent autour d’une même proposition pour des raisons radicalement différentes. Un tel vote pourrait être organisé en deux tours : le premier serait un vote multi-choix, suivi d’une phase de délibération de plusieurs mois permettant de reformuler la proposition ou d’en faire émerger une nouvelle. Un second vote permettrait alors de décider.

6. Scrutin électronique

Les votes ne doivent pas résulter d’une prise de position spontanée, ils doivent nécessairement être précédés d’une période de débat et de réflexion. Ce n’est pas un geste futile et secondaire. C’est pourquoi le vote à la maison, devant son ordinateur, doit être considéré avec prudence. D’autre part, la maison est un espace privé. Il est bon que le vote, geste public par excellence, s’accompagne de ce geste symbolique qui consiste à se rendre dans un lieu public.

7. Elections par tirage au sort

Pourquoi ne pas réintroduire le principe du tirage au sort, largement pratiqué dans l’Antiquité ou dans les républiques de Florence et de Venise ? Le tirage au sort convient particulièrement aux assemblées locales, où il permet de désigner les délégués qui siègeront aux assemblées régionales ou nationales. Ce principe garantit l’égalité d’accès et une juste représentation.

Le tirage au sort peut aussi convenir pour attribuer des postes administratifs pour lesquels aucune compétence professionnelle n’est requise. C’est le cas par exemple dans différents services (éducation, urbanismes, attribution des logements sociaux, etc.). Une formation initiale pourrait être fournie aux nouveaux arrivants, ainsi qu’une allocation financière qui permettrait de rémunérer le temps consacré à une responsabilité civique. Enfin, pour être réellement démocratique, le principe du tirage au sort doit être associé à celui d’une rotation dans l’attribution de ces postes.

8. Service citoyen universel

Le service national constitue un lien fort entre les devoirs et les droits du citoyen. Un service national général devrait être garanti pour les besoins militaires et civiques du pays. Cela permettrait la mise en place de programmes d’éducation et de formation et des emplois d’initiative gouvernementale qui ne peuvent que renforcer la démocratie.

Ce service national obligatoire, d’une ou deux années, concernerait les hommes et les femmes adultes et serait composé d’un apprentissage préalable de trois mois, puis d’une période d’initiation plus courte aux situations dans lesquelles les jeunes seraient appelés à exercer leur activité, enfin d’une période de service national proprement dit qui pourrai s’exercer dans l’armée ou dans d’autres secteurs, y compris l’aide internationale, au choix du candidat.

Une telle initiative permettrait d’assurer des services qui ne sont pas couverts dans de nombreux secteurs : insertion, aide aux populations défavorisées, environnement, entretien des espaces publics, etc. Il assurerait une mixité sociale et un apprentissage civique.

9. Citoyenneté de quartier

De multiples initiatives peuvent contribuer à remettre les habitants de quartiers en situation de responsabilité, que ce soit au travers d’actions volontaires en faveur de la prévention de la délinquance, l’entretien des parties communes, les projets d’aide aux personnes défavorisées, etc.

10. Démocratie sur le lieu de travail

Les initiatives de démocratie sur le lieu de travail doivent bénéficier d’un soutien public. Sur le modèle du mouvement coopératif, les actions permettant le partage des décisions ou l’intéressement des salariés aux bénéfices doivent être encouragées.

11. Refaire du quartier un espace public physique

Il faut prôner une architecture urbaine qui donne à la citoyenneté sa demeure physique et qui répond aux besoins du dialogue et à la vie sociale notamment en favorisant la vie des quartiers. Les assemblées de quartier, par exemple, ont besoin de lieux de réunion spécifiques. Les espaces favorisant la vie sociale, la rencontre entre les habitants et la discussion sont préférables aux organisations qui privilégient l’espace privé, la circulation automobile et les galeries commerçantes.

Ces propositions constituent un programme démocratique fort pour une revitalisation de la citoyenneté. Pour éviter les risques inhérents à tout changement radical de système politique, il est proposé de les introduire dans le système existant sans rien en retirer. Une véritable démocratie forte passerait sans doute par la suppression des partis, de la représentation ou de la séparation des pouvoirs, mais le démocrate prudent préférera réformer en instillant plus de participation et favoriser ainsi des évolutions progressives. La prudence et la tempérance sont parmi les qualités du démocrate.

 

Benjamin Barber. Démocratie forte. Ed. Desclée de Brouwer. 1997. 330 p.

Professeur en sciences politiques, ancien conseiller de Bill Clinton, l’américain Benjamin Barber est également l’auteur de Djihad versus McWorld (Times Books 1995, Desclée de Brouwer 1996) qui prévoyait dès 1995 l’affrontement « des forces rivales du tribalisme réactionnaire et de l’économie globale » , c’est-à-dire des conflits internationaux basés sur des replis identitaires et des crispations religieuses en réaction à l’idéologie libérale et à l’expansionnisme américain.

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