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Les mutations de l’État-Nation face à la mondialisation
Conférence lors des rencontres de Versailles, 16 Juin 2000, dans le cadre de la table ronde: "Où va l’État-Nation?"
Autor : Pierre Calame
Fecha de redacción de la ficha : 21 Juin 2005
Por Rémi MARCUS
Les deux phénomènes parallèles de mondialisation et de globalisation économique sont en train de transformer les structures politiques dans le monde. Il semble naturel et nécessaire que cette évolution donne naissance à une gouvernance mondiale, puisque c’est à cette échelle que se posent de plus en plus les problèmes. Parallèlement, la diversité humaine et les particularités contextuelles continueront d’imposer des réponses locales aux questions globales. L’articulation des échelles de gouvernance apparaît donc selon l’auteur comme le défi central, qui ne pourra être relevé que par l’application du principe de subsidiarité active, c’est-à-dire l’énoncé de principes directeurs répondant aux questions globales, qui pourront ensuite être déclinés en réponses locales.
Dans ce contexte, l’auteur observe que l’État-Nation n’est pas adapté aux nouveaux défis de la gouvernance : sphères privée et publique s’interpénètrent toujours plus, la question de la souveraineté des États sera bientôt dépassée et la légitimité des décideurs politiques nationaux est de plus en plus remise en cause, puisqu’ils sont confrontés à des phénomènes supranationaux sur lesquels ils ont peu – ou n’ont pas – de prise.
Quatre axes d’évolution pour l’État-Nation sont alors mis en avant : le déplacement du pouvoir de la force de décision vers la force de proposition, la mise en avant de la ‘société civile’ comme interlocuteur privilégié de l’État, l’application du principe de subsidiarité active et la généralisation des organisations en réseau.
Remarquons ici que l’énoncé par l’auteur de ces axes d’évolution peut s’apparenter à une formulation plus théorique d’aspirations concrètes déjà formulées et partiellement mises en application par les courants alter-mondialistes. En particulier, on reconnaît ici l’utilisation des consultations et débats citoyens comme processus de construction des propositions, et la volonté du recours plus massif à la démocratie participative ; l’organisation en réseaux elle-même est déjà une caractéristique de fonctionnement de tels courants, et la marque de fabrique des forums sociaux mondiaux ou européens qui en sont l’émanation.
Le fonctionnement actuel des mouvements alter-mondialistes peut donc fournir quelques clés pour prévoir quels peuvent être les points forts et les lacunes d’un système qui aura évolué selon les quatre axes indiqués par l’auteur : ce dernier semble appeler de ses vœux l’institutionnalisation de solutions qui sont déjà dans une certaine mesure mises en œuvre au sein de tels courants.
L’organisation des mouvements alter-mondialistes en réseau est l’aspect qui permet d’une part aux courants locaux de ne pas être dépossédés de leur autonomie, et d’autre part favorise la capacité de mobilisation par l’efficacité de l’échange d’information. L’application rigoureuse du principe de démocratie participative permet l’expression des sensibilités diverses, mais en même temps rend peu audible le message alter-mondialiste, et peu lisibles les orientations que prend le mouvement : c’est l’impression que laissent de façon croissante les forums sociaux mondiaux – la tendance ayant été confirmée par le FSM 2005 de Porto Allegre (Brésil).
Il apparaît donc que le défi que n’a pas encore su relever le mouvement alter-mondialiste est celui de la gouvernance, au sens de capacité de la prise de décision ; on aurait tort de s’en étonner puisque l’organisation hiérarchique traditionnelle abandonnée en route était justement tournée vers cet objectif. On peut remarquer que cette question n’est pas traitée directement par l’auteur : dans sa description des nouveaux défis pour l’État, il signale que la question de l’articulation des échelles se pose avec une prégnance accrue, mais il omet d’insister sur la question nouvelle du lieu de la décision. En effet, si – comme le note l’auteur – « le concept d’une république une et indivisible est décalé » , on peut se demander où le lieu de la décision doit être déplacé et craindre que finalement il ne soit dilué à travers les échelles (en l’occurrence, il semble que l’auteur admette implicitement que le lieu de décision doit effectivement devenir multiple et réparti sur l’ensemble des échelles).
Enfin, l’auteur regrette le comportement de l’État vis-à-vis de cette mutation qui lui est nécessaire, ce dernier semblant d’une part appeler le changement de ses vœux et d’autre part le freiner dans les faits. Ce constat paraît pourtant sévère, puisque la condition d’une mutation de l’État-Nation est étroitement liée à l’évolution de la situation globale. Par exemple, on ne saurait regretter l’hésitation des États vis-à-vis de l’abandon de leur souveraineté quand ils observent que l’émergence d’une gouvernance mondiale reste encore un vœu pieux : la seule règle d’ampleur qui semble réellement s’être aujourd’hui imposée à l’échelle globale concerne le domaine économique – et cette règle n’est autre que l’absence de règle.
L’ETAT AU COEUR - LE MECCANO DE LA GOUVERNANCE,
Pierre Calame et André Talmant, Ed. Desclée de Brouwer, Paris 1997, ISBN : 2-220-04054 - 2, 212 pages.
LA DÉMOCRATIE EN MIETTES - POUR UNE RÉVOLUTION DE LA GOUVERNANCE,
Pierre Calame, Paris, Éditions Charles Léopold Mayer, collection « Descartes et cie » , 2003, 331 pages.
Polytechnicien, ingénieur en France et directeur général de la Fondation Charles Léopold Mayer pour le progrès de l’Homme.