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Analyse

La coopération entre le PNUD et la Libye

Une longue relation avec ses temps forts et ses difficultés

Par Skander Ben Mami, chargé de mission

Cette fiche présente le résultat d’une mission d’une semaine effectuée en janvier 2007 à Tripoli.

Cette mission s’est centrée sur l’évolution des relations de la Libye avec les bailleurs de fonds, et notamment le PNUD, seule organisation internationale à avoir gardé un bureau dans le pays depuis soixante ans. L’analyse de cette coopération a été effectuée par le chargé de mission à travers des entretiens avec différentes personnalités, du monde universitaire, des représentations diplomatiques ainsi que des organisations internationales.

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Table des matières

Deux phases distinctes de coopération

Le PNUD a ouvert son premier bureau en Libye au tournant des années quarante, alors que la Libye était encore sous mandat britannique. Cette présence était rendue indispensable par la situation sanitaire et sociale dramatique du pays à l’époque. La population souffrait de malnutrition et de nombreuses maladies : tuberculose, diphtérie, lèpre…

Les événements politiques qui ont touché le pays à partir de 1969 ont profondément transformé l’activité du PNUD. Il existe deux phases distinctes de l’action de l’organisation en Libye : avant et après 1969.

Avant 1969, le PNUD travaillait sur des projets globaux, touchant à des domaines très variés. Après 1969, l’arrivée au pouvoir de Mouammar Kadhafi et l’accélération de l’exploitation pétrolière amènent le PNUD à recentrer sa coopération sur des projets agricoles et sur du conseil en développement.

La coopération est très active dans les années 1970. Le régime applique un programme volontariste de développement et fait largement appel au savoir faire étranger. En revanche, les années 1980 représentent une période difficile. Pour le pays d’abord, enfermé dans une politique étrangère radicale ; et aussi pour le PNUD, qui pâtit des mauvaises relations entre le régime et les partenaires étrangers. La situation du PNUD est aggravée par la crise financière qui frappe alors les organisations du système des Nations Unies.

Une nouvelle ère débute à la fin des années 1980 et se poursuit jusqu’au début du nouveau millénaire avec, la levée des sanctions internationales en 2003. Cette période est chargée d’incompréhensions, de sous-entendus et de déceptions. La Libye n’accepte pas la nouvelle classification décidée par les Nations Unies, qui distingue les types d’aide apportés selon trois catégories des pays en développement. Dans les pays à bas revenus le PNUD intervient fortement ; dans les aux revenus intermédiaires, il intervient de manière sélective ; et enfin dans les pays comme la Libye qui disposent de ressources financières suffisantes pour payer leur développement, le PNUD fournit seulement une expertise et une aide d’appoint.

Le gouvernement libyen ne considère pas son pays comme suffisamment riche pour financer seul son développement. Il s’interroge sur la pertinence de l’offre de coopération proposée par le PNUD et s’y engage sans enthousiasme et sans guère de résultats tangibles non plus.

Un nouvel élan de la coopération

La levée des sanctions internationales – en 2004 pour l’Union européenne et en 2005 pour les Etats-Unis - constitue un tournant pour l’action du PNUD en Libye.

Le bureau du PNUD emploie seize personnes. Seul le résident général est un fonctionnaire international, payé par le PNUD. Tous les autres membres du bureau sont libyens et rémunérés par les autorités nationales.

L’enjeu n’est pas seulement financier. En faisant travailler des cadres nationaux dans une organisation internationale disposant de réseaux d’expertise internationaux, le PNUD considère qu’il renforce les compétences locales qui ont ainsi la possibilité d’intégrer le savoir faire international et, à terme, de travailler de manière autonome.

Le PNUD est à nouveau entré dans une phase de coopération très active. Sa situation financière, autrefois critique, s’est considérablement améliorée. De nombreux projets sont en cours, sur des thèmes très variés : ils concernent aussi bien l’environnement, l’industrie, le conseil (pour le secteur privé et public), l’agriculture, que le tourisme : ce projet, mené avec l’Unesco, vise à développer le potentiel touristique sur la côte méditerranéenne. Enfin, le PNUD travaille en amont sur l’amélioration du processus de prise de décision grâce à une plus grande participation et une meilleure prise en compte des intérêts de tous les acteurs.

Le PNUD et les autorités libyennes

Le PNUD fait partie des rares institutions internationales présentes en Libye. La Banque mondiale possède ainsi une représentation au Maroc, en Tunisie et en Algérie, mais pas en Libye. Quant au FMI, il se contente de missions d’études ponctuelles. L’Union européenne est également absente,  même si elle envisage d’ouvrir prochainement un bureau à Tripoli.

Les autorités nationales libyennes reconnaissent et apprécient l’expertise du PNUD, et ce d’autant plus que l’organisation concentre son action sur le renforcement des compétences nationales dans des domaines qui ont subi un retard dommageable pour diverses raisons. L’organisation évite en général de prendre l’initiative et préfère répondre aux demandes nationales.

Le PNUD rencontre néanmoins des résistances au développement de son activité, principalement au niveau des collectivités locales. Plusieurs projets pilotes sur la gouvernance ont ainsi échoué. Les raisons sont diverses.

Bénéficiant souvent d’une faible formation, les autorités locales accueillent avec méfiance une organisation des Nations Unies qu’ils confondent souvent avec les Etats-Unis. Ensuite, les fonctions et les hiérarchies locales ne sont pas claires, aussi s’avère-t-il difficile d’identifier les bons interlocuteurs et responsables du projet. Enfin, il existe bien souvent un manque d’intérêt pour le projet dont la pertinence semble rester incomprise..

Pour surmonter ces obstacles, le PNUD compte sur son action de sensibilisation et surtout sur les résultats concrets des projets engagés. La coopération reste d’autant plus nécessaire que même si le pays possède le meilleur indice de développement humain (IDH) d’Afrique (58e), sa situation sanitaire et sociale reste délicatei et fragile.

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