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À la fin de De la démocratie en Amérique, Alexis de Tocqueville lançait
un avertissement au lecteur, en soulignant les risques de dérive despotique
d'un gouvernement représentatif, centralisé, et technocratique par essence.
La construction des enjeux politiques par une « aristocratie » d'experts se-
rait grosse de menaces pour la vitalité de la démocratie : elle priverait les ci-
toyens, réduits au statut de débiteurs passifs de politiques publiques, d'un
véritable accès au processus décisionnels, et expliquerait un certain désin-
térêt pour la chose publique. L'État fonctionnant selon ses logiques propres,
celles notamment des luttes entre ministères pour l'attribution des enve-
loppes budgétaires, à quoi bon voter ? Mieux formés, mieux informés, plus
autonomes qu'auparavant, car aussi mieux organisés, les citoyens demandent
aujourd'hui un plus large accès au processus décisionnel :
la société civile se mobilise, dit-on, face au gouvernement,
elle devient acteur, partenaire de la décision publique. On
peut s'étonner, avec Pascal Percq, que ce soit à l'occasion
d'une élection présidentielle, point culminant du proces-
sus de désignation de la représentation politique, que le
public en France a découvert de nouvelles formes de dia-
logue et de consultation, mises en pratique par Ségolène Royal à la faveur de
débats dits « participatifs ». La base peut-elle avoir rendez-vous avec le som-
met ? Comment, dans la multiplicité et la diversité des témoignages, distin-
guer ce qui relève de l'intérêt général ? Faut-il craindre une nouvelle forme
de despotisme, démocratiste cette fois, où l'État, photographie de la socié-
té, incapable de gouverner, serait livré aux revendications catégorielles ? La
présente rubrique nous invite à questionner la capacité du citoyen à jouer
le rôle d'une force de proposition, qui soit de nature à permettre le passage
d'un gouvernement technocratique à un gouvernement éclairé. Ce faisant,
elle nous invite aussi à repenser le lien co-substantiel qui unit les formes de
gouvernement à la vitalité de la démocratie.
m
Démocratie participative
et gouvernement éclairé :
l'usager-citoyen face à l'État
Faut-il craindre une nouvelle
forme de despotisme, démocratiste
cette fois, où l'État serait livré
aux revendications catégorielles ?
État,
gouvernement,
démocratie :
aprofondissement
d'une relation,
réinvention d'une
institution
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