in Outlook*, Courrier International n° 816, 22 juin 2006.
2 0 8 · C H R O N I Q U E S D E L A G O U V E R N A N C E 2 0 0 7
L'échelon régional
supranational, espoir
pour la gouvernance
mondiale
Les échelles
de gouvernance
en débat : articuler
sans opposer
B. Raman
Inde aura été le seul pays,
parmi les membres et obser-
vateurs de l'Organisation
de coopération de Shan-
ghai (OCS), à ne pas être
représenté par son chef de
l'État ou du gouvernement
au sommet qui se tenait à
Shanghai le 15 juin. La réu-
nion marquait le cinquième
anniversaire de cette organisation qui regroupe
la Chine, la Russie, le Kazakhstan, le Kirghizis-
tan, l'Ouzbékistan et le Tadjikistan. L'Inde, le
Pakistan, l'Iran et la Mongolie ont le statut d'ob-
servateur. L'Afghanistan, qui n'est ni membre ni
observateur, était un invité spécial. La décision de
notre Premier ministre, Manmohan Singh, de ne
pas faire le déplacement et de déléguer Shri Murli
Deora, le ministre du Pétrole et du Gaz naturel,
traduit le dilemme dans lequel se trouve l'Inde, à
savoir quelle importance donner à cette organisa-
tion et à ses objectifs. Que ce soit le ministre du
Pétrole et du Gaz naturel qui le remplace souligne
les sentiments positifs de New Delhi à l'égard de
l'OCS, considérée comme un instrument de coo-
pération transnationale par le renforcement des
économies de la région, de promotion du com-
merce et d'instauration de la sécurité énergéti-
que. Parallèlement, l'absence du Premier ministre
au sommet reflète sans les exprimer ouverte-
ment les réticences de l'Inde quant à l'orien-
tation politique prise par l'OCS depuis sa créa-
tion. À son lancement, en juin 2001 et même
avant, alors qu'il s'agissait d'une réunion non
structurée des « cinq de Shanghai » [les mêmes
moins l'Ouzbékistan] , l'OCS avait pour princi-
pale mission d'assurer la paix transfrontalière et
la sécurité, et de lutter contre le terrorisme. En
matière de lutte contre le terrorisme, l'Inde pos-
sède une longue expérience de coopération avec
de nombreux pays, aux orientations idéologi-
ques et aux régimes politiques très divers, mais
la coopération transnationale pour combattre le
séparatisme et l'extrémisme lui est complètement
étrangère. Comment l'Inde peut-elle se sentir par-
faitement à l'aise dans une organisation dont cer-
tains États membres ou observateurs considèrent
comme extrémistes les mouvements qui oeuvrent
pour une véritable démocratie et dont d'autres
emploient le terrorisme d'État comme arme stra-
tégique ? Comment l'Inde peut-elle concilier son
appartenance à l'OCS avec le fait qu'elle y est
la seule véritable démocratie et qu'elle est par
ailleurs membre d'organisations qui ont précisé-
ment pour vocation de promouvoir la démocra-
tie dans le monde ? Le deuxième dilemme tient à
l'orientation politique prise par l'OCS depuis sa
formation. Initialement axée sur la lutte contre le
terrorisme, le séparatisme et l'extrémisme, elle a
maintenant pour objectif de favoriser l'instaura-
tion d'un système multipolaire. Un euphémisme
pour dire qu'il s'agit de contrer l'influence amé-
ricaine dans la région Asie-Pacifique. Même si
la Russie et la Chine nient toute intention dans
ce sens et toute arrière-pensée, les États-Unis et
les pays occidentaux considèrent l'OCS comme
Asie centrale :
L'OCS, un bloc qui se construit
L'Organisation de coopération de Shanghai, organisée autour de l'Asie centrale, sert avant
tout les intérêts russes et chinois. L'Inde, pays observateur, se doit de rester en retrait.
* Outlook
Créé en octobre 1995, le
titre est très vite devenu
l'un des hebdos de langue
anglaise les plus lus en
Inde. Sa diffusion suit
de près celle d'India
Today, l'autre grand
hebdo indien, dont il
se démarque par ses
positions nettement
libérales. L'édition en
hindi a été lancée en
octobre 2002. Outlook
se distingue de ses
concurrents par sa
couverture approfondie
de l'actualité régionale du
sous-continent ainsi que
par ses critiques contre la
droite religieuse hindoue.