notamment par un pouvoir et des moyens accrus
donnés aux forces de sécurité, armée et police : il
en résulte une plus grande mobilité et une amé-
lioration de leur efficacité, sensible sur le ter-
rain, et qui explique en bonne part la popula-
rité du Président. Cela se traduit également par
un contrôle plus serré des libertés publiques, qui
peut faire craindre pour les droits de l'homme :
le gouvernement a ainsi abondamment recours
aux services d'un réseau d'« informateurs » qui
pratiquent la délation. Leurs interventions pro-
voquent de nombreux incidents et encouragent
les éliminations physiques extrajudiciaires dont
se rendent responsables des groupes
paramilitaires. Ainsi, ces pratiques
ont pour effet induit de contribuer à
la « paramilitarisation » du pays. Le
renforcement du contrôle de l'État
s'est aussi exprimé dans la remise en
cause des règles constitutionnelles
établies par le texte de 1991, que l'on
peut objectivement juger moderne et innovant
en matière de participation des citoyens mais qui
est mal appliqué en réalité. Le fait marquant a été
la réforme réalisée par le titulaire actuel du pou-
voir pour rendre possible sa propre réélection.
Ces mesures, si elles peuvent paraître en par-
tie nécessaires et justifiées le mandat présiden-
tiel, unique, était limité à quatre ans , sont con-
sidérées par de nombreux observateurs comme
insuffisantes pour mettre un terme au conflit :
« Ce n'est pas uniquement par des moyens mili-
taires que l'on y arrivera ! » entend-on dire.
Lors du lancement, à Bogota, d'un forum sur
un programme gouvernemental d'éducation à la
citoyenneté, l'ancien maire de Palerme, en Sicile,
avait même fait sensation en recourant, devant le
Président Uribe, à la métaphore de la « voiture
sicilienne » pour souligner que la paix comme la
démocratie ne peuvent s'appuyer uniquement sur
« la roue de la répression » mais aussi sur celle de
« la justice sociale ». De fait, on se trouve mani-
festement devant un problème de gouvernance
globale qui est venu s'ajouter à celui du rapport
au pouvoir quelle qu'en soit la forme dans ce
pays. Des mesures restent à prendre pour orga-
niser le pays, qui vont de la constitution d'une
administration et d'une fonction publique à la
hauteur de potentialités matérielles et humaines
exceptionnelles, à la transformation des mentali-
tés des élites pour mettre fin à la con-
fiscation du pouvoir par les possé-
dants. Les défis d'aujourd'hui, aussi
graves que le narcotrafic, requièrent
un effort d'imagination pour que soit
trouvée une voie entre répression
pure et légalisation. Il faut rempla-
cer la guerre par la politique : c'est
ce que recommandait en 2003 le Rapport natio-
nal sur le développement humain réalisé par le
Programme des nations unies pour le développe-
ment.
C'est donc bien d'un effort de changement de
la société colombienne en profondeur qu'il s'agit.
Il incombe d'abord à l'État, dans tous les sens du
terme, d'assumer sa part de responsabilité. Plus
largement c'est une véritable éducation à la res-
ponsabilité à l'échelle du pays qui est nécessaire.
Mais dans le monde globalisé d'aujourd'hui,
celle-ci ne peut aller sans un travail concomi-
tant d'éducation à la coresponsabilité internatio-
nale, qui, par définition, ne doit pas se limiter à
la seule Colombie. m
C H R O N I Q U E S D E L A G O U V E R N A N C E 2 0 0 7 ·
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Quelles légitimités
de substitution quand
l'État se désagrège ?
Le modèle
démocratique à rude
épreuve : la tension
légalité-légitimité
La politique dite
de « sécurité
démocratique » du
Président Uribe
vise clairement le
renforcement de
l'autorité de l'État.