C H R O N I Q U E S D E L A G O U V E R N A N C E 2 0 0 7 ·
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Quelle légitimité
pour les acteurs
extérieurs en situation
de crise et de conflit ?
Le modèle
démocratique à rude
épreuve : la tension
légalité-légitimité
Massaër Diallo
L
a capacité de gouvernance dans
un contexte de crise est un fac-
teur déterminant dans le retour à
la paix, la restauration, la consoli-
dation de l'État de droit et la prise
en charge des objectifs de développement. Les
stratégies, modalités et formes de gouvernance
en situation de crise sont déterminées par la
nature et la gravité de cette crise, et son impact
sur les instances de gouvernance et la légitimité
de leurs acteurs.
L'État existe-t-il encore ? Ses dirigeants ont-ils
la légitimité et l'autorité (vis-à-vis des citoyens,
des acteurs politiques et sociaux) pour prendre
des décisions ? Dans quelle mesure l'État peut-
il encore servir de point d'Archimède pour con-
duire un processus de sortie de crise ? Le degré
et les formes de la crise font-ils obstacle à la
recherche de palliatifs ou de solutions stricte-
ment internes à l'affaiblissement, la paralysie ou
le blocage non-ponctuel des instances nationales
de gouvernance ?
Ces questions, qui peuvent concerner n'im-
porte quel pays du monde et encore plus ceux
d'Afrique de l'Ouest confrontés à des conflits
armés, se posent concrètement dans le contexte
de la crise ivoirienne.
La capacité de gouvernance est mise à l'épreuve
dans une multitude de situations qu'il serait fas-
tidieux de répertorier. Mais une esquisse typo-
logique est possible. Elle met en exergue quatre
cas de figures qui se cumulent dans la crise ivoi-
rienne, aggravant ainsi sa complexité : 1) une
défiance politique des forces militaires (qui s'est
traduite par un coup d'État manqué ayant évo-
lué vers une rébellion) ; 2) des antagonismes au
sein de la classe politique, désunie quant aux
règles du jeu politique ; 3) une fracture à domi-
nante ethnorégionale et confessionnelle liée à un
début de partition territoriale ; 4) des risques
d'explosion sociale à caractère insurrectionnel
dans un contexte de fragilité étatique.
Une dimension proprement institutionnelle est
venue s'ajouter à ces différents facteurs de la crise
ivoirienne ; les élections législatives et présiden-
tielles n'ayant pu se tenir dans les délais, l'Assem-
blée nationale n'a pas été renouvelée fin 2005, le
pouvoir exécutif non plus. Tout cela a généré une
crise de légitimité que n'ont pu endiguer
Gouvernance en situation de crise :
le cas de la Côte-d'Ivoire
Politologue, chef
d'unité gouvernance,
dynamique des
conflits, paix et
sécurité, Club du
Sahel et de l'Afrique
de l'Ouest/OCDE.
L'État existe-t-il
encore ? Ses dirigeants
ont-ils la légitimité et
l'autorité (vis-à-vis des
citoyens, des acteurs
politiques et sociaux) pour
prendre des décisions ? »