9 4 · C H R O N I Q U E S D E L A G O U V E R N A N C E 2 0 0 7
Régulation de la
question nucléaire :
déboires et contourne-
ments du traité
de non-prolifération
La gestion
des biens communs,
enjeu majeur
de la gouvernance
mondiale : nucléaire,
casques bleus
et batailles de l'eau
Florent Pouponneau
L
a manière dont a été géré le
nucléaire iranien illustre bien les
contraintes de l'action collective
au niveau international. Si tous les
membres permanents du Conseil de
sécurité des Nations unies ont cherché à éviter
que l'Iran ne se dote d'une capacité de dissua-
sion nucléaire, leurs comportements ont divergé
car les intérêts en jeu n'étaient pas identiques.
Les États-Unis ont rompu depuis 1979 leurs rela-
tions diplomatiques et commerciales avec l'Iran ;
il n'était donc pas coûteux pour eux de deman-
der une saisine du Conseil de sécurité dès juin
2003, conformément aux statuts de l'AIEA, dans
le but de faire voter des sanctions multilatérales.
L'Union européenne, premier partenaire écono-
mique de l'Iran, la Russie, premier fournisseur
d'armement et d'équipement nucléaire civil, et
la Chine, important client du pétrole iranien, se
trouvaient dans des situations très différentes.
De plus, aux lendemains de la guerre en Irak,
le Conseil de sécurité, loin d'être perçu comme
un moyen de résoudre la crise, apparaissait pour
les diplomates des puissances européennes (Alle-
magne, France et Grande-Bretagne, 3E
1
) comme
pouvant conduire à un blocage du dossier. Ils cal-
culaient qu'il était possible de proposer une alter-
native à la saisine du Conseil en négociant avec
les Iraniens, ce qui leur permettait par ailleurs de
démontrer, à ceux qui en doutaient à Washing-
ton, que la diplomatie pouvait être efficace et
que les puissances européennes étaient capables
de s'unir et d'agir sur des questions stratégiques.
L' "effective multilateralism" était ainsi au coeur
de la stratégie européenne de lutte contre la pro-
lifération des ADM (armes de destruction mas-
sive) alors en cours d'élaboration
2
. Défendre le
rôle des institutions internationales apparaissait
comme un moyen pour les diplomates européens
de limiter la puissance américaine et de mainte-
nir leur capacité à faire entendre leurs idées et
leurs intérêts dans la gestion des affaires inter-
nationales.
Il est intéressant de remarquer que les ins-
tances de l'Union n'étaient pas associées à cette
initiative, de longues négociations à vingt-cinq
n'étaient pas envisagées par les diplomates sur un
tel dossier. Au contraire, le nucléaire iranien était
une occasion de tester l'efficacité d'une autre
façon de fonctionner dans le cadre de la PESC
(Politique étrangère et de sécurité commune),
avec une avant-garde. Les États-Unis ont laissé
faire les 3E, et un premier accord avec l'Iran fut
conclu en octobre 2003. Cependant, ces négocia-
La gestion européenne du nucléaire iranien :
un test pour l'"effective multilateralism"
Doctorant
en Relations
internationales à
l'université Paris-I-
Panthéon-Sorbonne
Le nucléaire iranien
était une occasion
de tester l'efficacité d'une
autre façon de fonctionner
dans le cadre de la PESC. »