in Asahi Shimbun*, Courrier International n°831, du 5 octobre 2006.
Introduit il y a dix ans, le référendum d’initiative populaire a contribué à dynamiser la vie politique locale. Aujourd’hui, il est temps de lui redonner un second souffle.
Dix ans se sont écoulés depuis l’organisation, par arrêté municipal, du premier référendum d’initiative populaire au Japon. Cette consultation s’était tenue à Maki, dans la préfecture de Niigata [au nord de Tokyo] et concernait la construction d’une centrale nucléaire dans la commune. Elle avait été très médiatisée, car c’était la première fois que les habitants étaient invités à prendre une décision concernant leur collectivité. Selon un mouvement associatif baptisé Forum sur la législation en matière de référendum, quelque 370 consultations de ce type ont eu lieu depuis 1996. Le Japon est même l’un des pays au monde où l’on en organise le plus grand nombre chaque année. Toutefois, plus de 90 % des cas concernent des fusions de communes. Il ne s’en tient pratiquement jamais pour d’autres projets, comme la construction d’un aéroport ou le projet d’une grande manifestation culturelle [souvent coûteuse]. Leur nombre a même chuté quand le débat sur les fusions de communes s’est essoufflé.
Les écoliers et les étrangers invités à voter
Pour qu’un référendum puisse avoir lieu, le conseil municipal ou général doit voter un arrêté en ce sens. Le parcours est ensuite semé d’embûches. L’arrêté de la préfecture de Shiga [à l’est de Kyoto] sur la construction d’une nouvelle gare de trains à grande vitesse Shinkansen en est un bon exemple. A l’époque, un groupe de citoyens avait recueilli plus de 70 000 signatures et adressé une pétition au gouverneur pour demander un référendum. Celui-ci avait soumis leur requête à l’assemblée, tout en la qualifiant de “négation de la démocratie parlementaire”, et l’assemblée l’avait rejetée à une grande majorité [lors de la dernière élection, le gouverneur sortant a été battu par une candidate qui s’est opposée à la construction]. Les dirigeants de l’exécutif et les membres des assemblées sont élus pour représenter le peuple. Mais les élections ne reposent généralement pas sur une seule question. Il arrive assez fréquemment que les habitants ne partagent pas la même opinion que leurs dirigeants ou leurs élus sur les problèmes locaux. S’il est essentiel d’épuiser le débat à l’assemblée, les référendums constituent un bon moyen de connaître l’opinion de la population et d’introduire davantage de souplesse dans l’élaboration des projets. La loi spéciale sur la fusion des communes spécifie à ce sujet que, lorsqu’une assemblée locale rejette une proposition de fusion, la décision peut être soumise à un référendum si une pétition allant dans ce sens recueille les signatures de plus d’un sixième des électeurs locaux. Le gouvernement avait prévu cette clause pour éviter qu’une poignée d’élus ou de dirigeants locaux réticents aux fusions ne s’y opposent. Par ailleurs, pour ne pas avoir à voter un arrêté municipal, plus de 30 collectivités locales ont mis en place un dispositif légal permanent leur permettant d’organiser un référendum sur n’importe quelle question pourvu qu’un certain nombre de signatures ait été recueilli. Deux formations de l’opposition, le Parti démocrate et le Parti communiste, ont présenté des projets de loi similaires. Ne devrions-nous pas considérer ce genre de dispositif comme un moyen de garantir les droits des citoyens ? Toutefois, les référendums ne constituent pas des remèdes à tout. Les dirigeants doivent simplement tenir compte de leurs résultats. Le référendum d’Okinawa sur la réduction du nombre de bases militaires américaines et celui d’Iwakuni [à l’ouest de Hiroshima] sur le transfert d’une base aérienne américaine ont montré clairement la volonté des habitants. Mais cela ne va pas forcément se traduire par un changement rapide de politique à l’échelon national. A Maki, où la population s’est opposée dans un référendum à la construction d’une centrale nucléaire , il a fallu sept ans pour que le maître d’ouvrage, Tohoku Electric Power, renonce à son projet. Il n’en reste pas moins important de donner aux habitants la possibilité d’exprimer leur opinion sur des questions spécifiques. Quelques collectivités locales sont allées jusqu’à autoriser les élèves des écoles primaires à participer au vote sur des fusions de communes, en considérant que leur génération serait plus tard concernée par le résultat. De nombreux ressortissants étrangers ont eux aussi pris part à ce genre de scrutin. On a également vu des dirigeants ou des élus locaux proposer des référendums sans qu’une pétition leur ait été soumise. Ils ont organisé des débats et distribué des tracts pour inciter la population à s’intéresser à des questions particulières. Il serait regrettable de négliger cette volonté de s’engager dans la vie politique locale comme s’il s’agissait d’un simple effet de mode. Nous nous devons d’encourager la démocratie participative en multipliant les référendums d’initiative populaire.
*Asahi Shimbun : Fondé en 1879, chantre du pacifisme nippon depuis la Seconde Guerre mondiale, le "Journal du Soleil-Levant" est une véritable institution. Trois mille journalistes, répartis dans trois cents bureaux nationaux et trente à l’étranger, veillent à la récolte de l’information.
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